-Il va arriver, je te le promets.
Je pris Margot dans mes bras pour la rassurer. Dans ce couloir sombre, elle attendait depuis des heures avec moi. Je n'attendais pas. J'étais avec elle, pour que je puisse enfin voir un sourire sur son visage. Elle ne pleurait pas mais je sentais son cœur battre de désir et de peur. Ces sentiments étaient un combat contre son propre esprit à eux seuls. Je partageais son angoisse de ne pas voir, à l'autre bout de ce corridor, l'âme qu'elle attendait.
Margot s'assit par terre, sur le béton froid de ce sous-sol lugubre où personne n'aurait aimé attendre sans manger, sans boire et sans dormir comme elle l'a fait. Elle avait enfoui son visage dans ses bras croisés sur ses genoux et semblait retenir un cri, un hurlement qui résonnait et qui retentissait quand même dans ce silence lourd. J'arrivais à l'entendre. Elle sortit la tête et regarda le bout du couloir qui devait être à des kilomètres.
-Et s'il ne venait jamais ? me demanda-t-elle avec les yeux humides.
Je m'agenouillai auprès d'elle et posa ma main froide sur ces bras embrasés par la douleur et le manque :
-Bientôt, il sera là, je lui répondis en fixant ses yeux. Il revient toujours. Je te le promets.
Une larme passa sur sa joue ; elle paraissait être une pierre précieuse, traversée par la lumière des néons blafards. J'observai le plafond : il n'y avait que des tuyaux immenses qui traversaient l'endroit et qui décoraient le bleu sombre. Une bien maigre décoration pour nous qui avions toujours été habituées à de la magnificence partout et en tout temps. Plus loin, dans l'obscure partie de l'allée, une lumière forte et blanche s'alluma. Margot se leva et essuya rapidement ses larmes du dos de sa main translucide et tremblante. A ce moment-ci, elle se tenait seule, devant ces plafonniers qui s'allumaient un à un, dans un cliquetis assourdissant. Un cliquetis qui la faisait petit à petit sourire avec nervosité. Il lui manquait atrocement et cela se ressentait jusque dans son souffle saccadé et suave, aux limites de l'étouffement. Chaque partie de son corps pesait de plus en plus lourd, et, quand elle vit un groupe d'hommes arriver depuis l'autre bout du corridor, elle rit. Margot le vit, au loin, menant le peloton : ils portaient tous des uniformes bleus, comme les murs et le plafond. Ils se fondaient presque dans cet endroit et on aurait pu les confondre avec les cloisons.
Elle courut vers lui qui souriait aussi. Il courut aussi. Et, quand il commençait à voir ses yeux embués par des sanglots passés, il courut encore plus vite, ses cheveux volant légèrement dans cette atmosphère qui pesait. Margot sauta dans ses bras en riant, me laissant sur le chemin. Ils ne s'étaient pas vus depuis si longtemps ; je ne savais même pas combien de temps, d'ailleurs. Une chose était sûre, elle ne voulait que ses bras qui la réconfortaient les soirs chauds comme les journées d'hiver et lui voulait sa chevelure dans ses mains.
Le groupe d'hommes en combinaison passa à côté d'eux, sans leur jeter un seul regard mais eux crurent être seuls dans ce moment d'infinité. Cet instant précis qui ne serait plus jamais le même, ils restèrent dans les bras l'un de l'autre, sans un mot, avec beaucoup de larmes.
-Je veux que tu viennes me voir, quand j'y serai, commença-t-il en plongeant dans son regard.
Elle répondit par un sourire et l'embrassa comme jamais auparavant. Ces retrouvailles étaient comme un apaisement éternel. Margot le laissa partir derrière elle et, avant de le rejoindre, se tourna vers moi qui avait vu. J'avais vu son sourire, ses larmes et, surtout, son attente durant ces longs mois d'angoisse et de peur. Il m'avait demandé de lui donner espoir, de lui en offrir parce qu'il allait revenir, pour sûr. Quand il me l'avait demandé, il avait les yeux lourds et le cœur mouillé de tristesse.
-Je crois que c'est ici que nous nous séparons, Margot, lui avouai-je. J'espère avoir effectué mon devoir. J'espère t'avoir apporté l'espoir.
Elle me regarda en souriant et me pris dans ses bras qui ne tremblaient plus, cette fois. Son cœur battait toujours avec intensité mais était moins névrosé ; il était en paix. Ma mission était accomplie.
-Merci, me répondit-elle en fermant les yeux. Merci, Promesse.
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Amour et Chagrin ?
Short StoryL'amour est une chose peu docile. Le sentiment qui s'en dégage l'est lui aussi. L'être humain, figé dans cette conscience amère, se laisse porter par son courant difficile et peu prospère. "L'amour est la chose la plus incommode du monde." Madame d...