Alors j'ai sorti mon téléphone de ma poche et j'ai enfin osé composer le numéro que je connaissais par cœur, depuis un an exactement.
Ce numéro je l'avais souvent composé, mais jamais enclenché. Pourtant, cela faisait longtemps que j'aurai dû le faire. Pour ma mère, ma sœur, les jumeaux. Et mon père surtout. Cet homme que j'admirais tant avant. Avant le drame. Avant qu'il ne dérape. Avant que ma mère ne plonge dans le mutisme. Alors non, je n'étais pas triste, pourquoi l'aurais-je été ? J'allais sauver ma famille! La sauver de ce monstre qui nous dévorait, chaque jour un peu plus. Ce monstre que mon père ne tentait plus de vaincre. « Pourquoi faire » disait-il toujours. Face à cette bête féroce et coriace, chacun réagit différemment. Ma mère, elle, ne parlait plus, ou très peu. Ma sœur, s'était enfuit au Québec, pour ses études. Les jumeaux du haut de leurs trois ans, ne réalisaient pas vraiment. Aah... leur père, ce héros !...Et moi ? La danse était mon échappatoire. Dès qu'une note de musique retentissait, je dansais. La preuve ? Quand la musique de fond emplie mon téléphone portable, j'esquissai un petit saut. La femme au bout du fil, était une assistante sociale. Je lui expliquai rapidement la situation, et elle me donna rendez-vous pour la semaine suivante. Puis je décidai de rentrer à la maison. J'avais besoin de me détendre. Quand j'ouvris la porte, Luis se rua sur moi, les yeux écarquillés, et se cacha derrière mes jambes. Il murmurait, effrayé, en boucle, « Assia, z'ai peur, z'ai peur... Sauve moi ! » Des éclats de voix me parvinrent depuis la cuisine. Je ne comprenais pas ce qui se disait. Alors je me suis approchée. Ce n'était qu'un flot d'insultes. Toutes envers ma mère. Elle tremblait. Lui semblait bouillir de rage. Je ne l'avais jamais vu dans un tel état. Il y avait des éclats de verres partout sur le carrelage. Le sol était poisseux et ça sentait l'alcool à plein nez. J'étais pétrifiée. C'est quand la gifle est partie que j'ai crié. Il s'est retourné, fou de colère. Il hurla que j'étais une ratée, une idiote, qu'il aurait dû me noyer à la naissance... « BONNE A RIEN ! SALOPE ! COMME TA MÈRE, C'TE PUTE !!!». Mon visage baignait dans les larmes. C'en était trop il fallait que ça cesse. Il attrapa mon bras, je me débattais, mais bien sûr, il était bien plus fort. Il approcha son visage du mien et, dans un souffle, lâcha : « t'es comme ta mère. Une putain. ». Puis tout s'enchaîna très vite : les cris, la douleur, le sang.