Les fusillés de Chateaubriant

39 3 3
                                    

Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d'étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d'amour
Ils n'ont pas de recommandations à se faire
Parce qu'ils ne se quitteront jamais plus
L'un d'eux pense à un petit village
Où il allait à l'école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Us sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n'entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu'ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple

Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

Paysage de mon amour
Tout entier dans ce village
Dont je défais journellement
Les liens de chanvre et de fumée

Tuiles baignées de tourterelles
Qui chantez sous la main du soir Écailles des saisons nouvelles
Plaques tournantes de l'espoir

Prairies des peintres du dimanche
Passerelles des bois dormants Ô bêtes qui remuez les hanches
Dans un long rêve de froment

Et toi rivière sous les saules
Blanche fenêtre caressée
Par une truite et mon épaule
Et tous
Jes jours qui sont passés

Je crois en vous en toutes choses
Qui par souci de vérité
Parlent pour moi trouvent réponse
Dans la raison de mon silence.

Pourquoi n'allez-vous pas à
Paris?


Mais l'odeur des lys !
Mais l'odeur des lys !


Les rives de la
Seine ont aussi leurs fleuristes


Mais pas assez tristes oh ! pas assez tristes !
Je suis malade du vert des feuilles et de chevaux
De servantes bousculées dans les remises du château


Mais les rues de
Paris ont aussi leurs servantes


Que le diable tente ! que le diable tente !

Mais moi seul dans la grande nuit mouillée
L'odeur des lys et la campagne agenouillée

Cette amère montée du sol qui m'environne

Le désespoir et le bonheur de ne plaire à personne


Tu périras d'oubli et dévoré d'orgueil


Oui mais l'odeur des lys la liberté des feuilles !




René Guy CADOU

Poésie engagéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant