XII. Rien n'est jamais simple

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Je n'ai aucun souvenir de m'être endormi. Je ne sais pas si ce fut sur le tapis de la bibliothèque ou si vraiment j'ai fait un effort pour me traîner jusqu'ici dans le lit. En tout cas, je ne me souviens pas d'être venu jusque-là par moi-même. Quand j'essaye de faire émerger mon cerveau et le peu de neurones qu'il me reste, je revois Nick et moi, l'un contre l'autre, nous embrassant, nous serrant, mais...je tends le bras machinalement à côté de moi et constate qu'il n'y a rien ni personne. Nick n'est pas à côté de moi. Je suis seul. J'ai vraiment le lit pour moi, il ne m'a pas menti. Je me redresse, la tète dans le cul en me disant que finalement, je retournerais bien dormir pour deux ou trois heures encore et remarque seulement maintenant qu'effectivement, je suis de retour dans cette fameuse chambre. "Ma" chambre.

- Et forcément...je suis à poil.

Sur un fauteuil dans un coin, mes affaires pliées que je m'empresse de remettre avant de quitter la chambre sur la pointe des pieds.

Il n'y a pas un bruit que ce soit dans les couloirs ou bien même en bas des escaliers dans la salle à manger et dans le salon. D'habitude j'entends Nick discuter avec Rachel. D'habitude il y a cette légère odeur de café remontant jusqu'à mes narines suivies de près par celle de pain grillé. Mais là, rien. C'est le moment où jamais de me faire la belle avant que la maisonnée ne se réveille et que...

- Tu pars sans dire au revoir ?

Je m'arrête à hauteur de la première marche tandis que Nick se tient juste là, derrière moi, appuyé contre le mur, portant seulement un pantalon de jogging et rien d'autre. Il a les sourcils froncés et je devine aisément que ça le contrarie que je m'en aille de la sorte ou que je m'en aille tout court.

- Je n'avais pas prévu de rester.

- Donc, ça te déplaît tant que ça de rester ici, hein ?

Il se laisse glisser dos contre le mur alors je vois toute la tristesse sur son visage. Je m'approche de lui et m'accroupis pour être à sa hauteur.

- Ce n'est pas ça et tu le sais.

- Dans ce cas, reste. Reste avec moi Tobias. J'ai besoin de toi.

- Tu n'arrêtes pas de me le dire.

- Et je continuerais encore et encore.

- Nick, écoute-moi. Ce n'est pas que je ne t'aime pas, bien au contraire. Je t'aime à un point que tu n'imagines sans doute pas. Je t'aime assez pour mettre ma vie en l'air une seconde fois. Je t'aime tellement que je t'ai dans la peau et dans la tête. Je cours jusqu'ici au beau milieu de la nuit à chaque fois qu'il faut que je te dise quelque chose alors que je pourrais très bien t'envoyer un bête message. C'est juste que parfois, deux êtres ont besoin de se séparer pour se retrouver.

- Mais être séparés ne nous réussit pas vraiment.

C'est vrai aussi. Au fond, c'est tellement compliqué comme situation. Est-ce que je serais prêt à rester ici et à le voir s'enfoncer encore plus profondément ? Je n'en sais rien. Il arrivera forcément un moment où il sera tombé si bas, que je n'arriverais même plus à le rattraper ni même à l'atteindre. En fait, c'est de ce moment précis que j'ai peur. J'ai peur de plus être en mesure de sauver Nick. Donc est-ce que je suis lâchement en train de fuir...de le fuir pour m'éviter ça ? Oui.

- Partons. Partons d'ici toi et moi, lancé-je sur un coup de tête.

Fuyons aussi loin que nous le pouvons. Installons-nous là où personne ne pourra jamais nous trouver. Disparaissons de cette vie.

- Où est-ce que tu veux aller ?

- Je n'en sais rien. Le plus loin possible de cette ville.

De toute façon, elle ne m'a rien apporté de bon. Mes parents sont morts. Mon école m'a foutu à la porte. J'ai péniblement fait la manche à un gars que je ne connaissais même pas et qui m'a fait bosser sous contrat. Je suis tombé amoureux de ce même gars. Et puis, je me suis rendu compte que tout compte fait, de nous deux, c'était peut-être lui le plus cassé.

- Mais si on part, je veux que l'on tire un trait définitif sur tout ça. Si on part toi et moi, c'est pour s'accorder un nouveau départ...ou un départ tout court en fait. Si on part, c'est pour essayer de recoller les morceaux déjà bien éparpillés. Est-ce que ça te vas ?

- Plus le temps passe et plus je te trouve incroyablement difficile en affaire. C'est un genre d'ultimatum que tu m'imposes encore une fois.

- Non, je te soumets un choix. À toi de savoir si tu vas faire le bon ou pas. Nick, j'essaye vraiment de faire en sorte que ça marche entre nous deux, bien que ça soit compliqué étant donné que nous sommes tous les deux bornés et qu'on campe sur nos positions, mais si tu n'y mets pas du tien, ça va être plus que difficile.

Est-ce que j'essaye réellement de le sortir de là, de le sauver de cette obstination pour la vengeance qu'il a développée ? Oui. J'essaye. Mais sans grand succès étant donné que ses yeux se sont brusquement détournés des miens.

- Tobias...

- Je ne vais pas me battre. J'en ai marre à vrai dire d'essayer de faire des efforts pour deux...Tu sais, il n'y a rien de plus épuisant et lassant que ça ? On ne fait que se battre ou se parler à cause de ton psychopathe de demi-frère.

- Tu sais très bien que ce n'est pas l'envie qui m'en manque de partir avec toi. De tout plaquer...

- Mais ? Parce qu'il y a un "mais" n'est-ce pas ? Je te connais, il y a forcément quelque chose qui te retient. Dis-moi quoi.

- Mais...je ne peux pas partir comme ça. J'ai encore des choses à faire. À régler disons plutôt.

- C'est un cercle sans fin. On le sait tous les deux.

- Peut-être, mais je ne peux pas laisser les choses en état Tobias ! Tout le mal que ces gens ont fait...En mon âme et conscience, je ne peux pas les laisser s'en sortir comme ça. Ce n'est pas juste !

- Je n'ai jamais dit que la vie était juste et j'en sais quelque chose, mais si on commence à vouloir réclamer justice pour chaque injustice, alors on ne s'en sort plus. On s'enfonce même encore plus profondément. J'en sais quelque chose.

- Oui bah je ne suis pas toi, tu m'excuseras.

Et qu'est-ce que c'est bien censé vouloir dire ça au juste ? Je n'ai jamais demandé à Nick qu'il soit comme moi, mais le connaissant et l'aimant pour ce qu'il est, j'espérais bêtement juste qu'il comprenne qu'il vaut mieux que tout ça.

- C'est vrai. Tu n'es pas moi. Tu es meilleur que moi. Je veux dire regarde un peu tout ce que tu as accompli...Tout seul ! Sans l'aide de personne. Ne peux-tu pas être fier de ça déjà ? T'es un mec bien Nick, ne va pas te ruiner dans ces histoires. Parce qu'au final, c'est ce qui te pend au nez : tu vas finir par te perdre. Alors, quand ça arrivera, personne ne pourra plus rien pour toi. Il sera trop tard pour te récupérer.

- Et qui te dit qu'il n'est pas déjà trop tard ?

- Si c'était le cas, une part de toi ne serait alors pas accrochée à moi de la sorte. Tu m'oublierais. Au mieux, je serais...ton plan cul.

"T'es sa pute, hein. Ne l'oublie pas."

C'est drôle comme subitement les mots de Marley me reviennent de plein fouet au visage. Un jour viendra où ça sera probablement le cas. Un jour peut-être je ne serais QUE l'homme de réconfort. Rien d'autre.

- Tobias, tu crois sincèrement que je suis tombé amoureux de toi pour tes fesses ?

- Je ne sais pas. Honnêtement avec toi tout est un doute perpétuel. Tout ce que je sais...tout ce dont je suis certain, c'est d'avoir assez d'amour pour nous deux, mais que ce dernier reste malgré tout fragile. Je ne suis pas un super héros Nick, je ne peux pas tenir deux parties se déchirant à bout de bras et faire en sorte qu'elles tiennent, ce n'est pas possible pour moi.

J'aimerais seulement que tu comprennes ça. Cette unique chose. Je t'aime, certes, et c'est une bonne chose, mais s'aimer à deux, c'est mieux. 

The Other Side (BxB) - Tome 2 [PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant