Celui qui vient en fin...

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Il arrive enfin sur les lieux.
« Il n'y sont pas allés de main morte cette fois encore ! »
Il sort son équipement et le place dans un coin pour ne pas contaminer toute la pièce.

Il commence par le matériel le plus souillé : il jette les tissus, les objets oubliés. Le tout va dans un bac spécial (il en garde méticuleusement une liste) et tout ce qui contient des restes organiques se retrouvent ensemble dans un autre contenant jaune au sigle rouge caractéristique avec un sac plastique bien identifié.
Une fois cette première corvée terminée, il enlève ses gants qui vont avec le matériel à incinérer. Avant d'en prendre des nouveaux, il change aussi son tablier et son chapeau.

« Ouais, il semble qu'ils ont eu un cas sérieux ! Ils se sont débattus. J'espère qu'ils ont gagnés ! »

Protégé de neuf, un masque sur la bouche, il passe à l'étape suivante : le plancher est lavé à grand coups de serpillère et de produit désinfectant. Il passe deux fois, avec deux seaux différents. Dans le premier, le produit tourne rapidement au rouge. Le second demeure translucide jusqu'à la fin. Tant mieux, sinon, il devrait passer une troisième fois !

Ensuite, il se change une troisième fois puis s'arme d'un seau plus petit et nettoie de bas en haut avec un produit antibactérien.  Tout y passe.  Rien n'est oublié.

Un autre changement de vêtement de protection, plus léger cette-fois, mais toujours avec des gants, un tablier et un masque. Il y ajoute un chapeau qui retient sa tignasse et des protège-souliers. Il ne doit laisser aucune trace de leurs passages ni de sa propre présence. Cette fois, il passe un linge qui laisse une odeur neutre mais fait briller tout l'outillage extraordinaire de cette pièce. Plus aucune empreinte ne lui résiste. Aucune souillure, filet de bave, éclaboussure de liquide, quel qu'il soit.

Il ne peut s'empêcher de ressentir un frisson le long de sa colonne.

« Si ma mère me voyait. Elle qui disait que je n'étais qu'un bon à rien ! Je lui montrerais l'importance que j'ai dans mon job. Moi, je suis ici : là où ces génies expriment leurs talents. Tant de vie passent entre leurs mains. Mais sans moi, mes brosses, mes seaux, mon huile de coude et ma sueur, ils ne pourraient le faire dans un endroit digne de leur finesse. Non, je ne suis pas l'un d'eux. Ils sont uniques ! Mais, je suis un rouage essentiel de leurs exploits ! »

Il a terminé et se retrouve près de la sortie avec tout son matériel souillé qu'il se dépêche de sortir par les portes automatiques à l'arrière. Il se change une dernière fois, prenant une petite boîte bien hermétique. Cette fois encore, même ses pieds sont protégés pour ne pas laisser de traces. Les portes se referment derrière lui et, dans la lumière tamisée, il englobe de plastique autocollant toutes le poignées et leviers qu'ils pourraient toucher lors de leur prochain passage.

Il change aussi le tissu sur les tables, là où il poseront le corps et les outils. Il vérifie méticuleusement les fils et tuyaux des machines, ausculte la pression des bonbonnes de gaz et l'alimentation des appareils de mesures et d'appoint.
Tout est en ordre ! Il se recule et observe son oeuvre.

« Comme c'est beau. C'est le calme avant l'action. »

Il observe le pendule. Voit le local d'à côté qui s'illumine : ils sont là !
Il se retire par l'arrière, derrière les portes qui se referme hermétiquement. Il jette un oeil sur les contrôles de température, d'humidité et de ventilation de la pièce. Satisfait, il voitla salle qui s'illumine.

Ils font leur entrée ! Ils y amènent le prochain cas sur lequel ils travailleront. Sur le tableau à sa droite, il note l'heure de son départ : huit heure dix. Il reviendra après cette opération, à moins qu'elle dure plus longtemps, il ne devrait pas avoir à se pointer avant plusieurs heures.

Qui est là ? Il vérifie dans le calepin d'opérations : Dre Patricia Domingo. Chirurgie d'anévrisme aortique, prothèse aortique et fémorale... et tout le toutim. Il y en a pour au moins six heures. Mais c'est de la chirurgie artérielle. Les risques sont grands. Il va rester disponible au cas où ils auraient besoin de ses bras. Les éclaboussures sont souvent grandes. Si une artère éclate et qu'ils doivent intervenir.

Qui est l'adjoint du Dre Domingo ? Ah ! Dre Lin. Une as ! Le patient est entre bonne main.

Par la fenêtre de la porte, les lumières vives de la salle d'opération 2 s'allument, l'anesthésiste commence son ouvrage. Il le voit s'adresser au patient avant de lui placer le masque sur la bouche. Les infirmiers s'occupent de ses signes vitaux. Tout est prêt !

Les Dre Domingo et Lin entrent, elles enfilent leur seconde blouse et gants. Les instruments étincellent, les écrans se réveillent, les lampes s'ajustent, le matériel chirurgical se déploie sur les plateaux miroitants.
Derrière la fenêtre de la porte, il regarde les acteurs de cette danse si précise qui se met en branle pour conserver la vie et la santé.

Une infirmière le voit et lui lance un petit signe de la main. Au-dessus de son masque, ses yeux lui sourient. Il lui répond d'un pouce en l'air, en souriant.

Il quitte avec le sentiment du devoir accompli.

Il reviendra à la fin. C'est le temps de la pause.

❄️❄️❄️❄️❄️❄️❄️❄️❄️❄️❄️

Six heures plus tard, un père et grand-père était sauvé d'un anévrisme aortique qui menaçait sa vie. Quarante-huit heures plus tard, il rentrait chez lui.

Nous sommes dans la période précédent le nouvel an. J'ai parlé à mon père hier. Il se porte bien. L'opération a été un succès. Il n'a que de petites plaies sur les cuisses. Ils sont passé par les artères fémorales pour lui poser une prothèse solidifiant son aorte abdominale. Il y a eu quelque complications, mais les deux docteures ont été des as et des artistes de leur domaine !  Il n'a presque pas de douleur. À 83 ans, il a été entouré d'une équipe formidable pour cette opération délicate. Du premier au dernier membre du personnel qui a gravité autour de lui... merci de tout mon coeur.

Gaïa;)

PS : Les noms ont été changés mais la situation est réelle. Quoique... mon imagination a extrapolé le rôle du préposé à l'entretien que j'ai vu passer deux fois dans la chambre de mon père pour désinfecter les objets usuels. Mais je suis sûre que les salles d'op subissent un entretien cent fois plus minutieux ! On ne lésine pas sur les moyens pris contre les «bébittes» ! ;)

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 18, 2019 ⏰

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