La plus belle des fleurs

Au sommet des Pyrénées, dans un petit coin reclu et bien tranquille, se trouvait une petite chaumière, à l'allure chaleureuse, encore calme et teintée de la couleur du soleil levant. Le souffle matinal faisait danser les hautes herbes qui s'étendaient tout autour.
Alors que l'aube pointait le bout de son nez, le silence fut rompu par le chant d'un coq bientôt suivit des hénnissements des cheveux, du bêlement des brebis et d'un aboiement roque. Un homme, paraissant la soixantaine de par sa chevelure blanche, les rides qui se dessinaient sur son front et de part et d'autre de sa bouche ainsi que par son dos courbé, apparu dans la cour accompagné d'un magnifique Berger Australien à la robe noir, blanche et caramel, d'un visuel doux et soyeux.
L'homme, déjà lavé et vêtu, n'avait pas attendu le réveil du coq pour se lever. Peut-être car ce jour là n'en était pas un d'ordinaire.
Effectivement, l'hiver approchait et, durant cette période, la neige tombait tellement que certains lieux devenaient impossibles d'accès. Il arrivait bien tôt cette année. Cela se devinait par l'air glacial et les nuages plus gris, plus bas et plus épais.
Or, chaque année, avant le jour fatidique, l'homme se rendait à un endroit bien particulier, l'endroit le plus beau des Pyrénées, du monde même. Ah! Oui, ça il en aurait parié de sa plus grande fortune.
Sans attendre plus longtemps, il enfila une petite veste de velours brune, prit sa besace et la remplit uniquement d'eau et de pain puis ordonna à son chien de le suivre. Ce dernier ne se le fit pas répéter. Ils marchèrent toute la matinée, avec cette impatience qui semblait parcourir l'homme. Il avait une démarche enjouée, comme celle des enfants lorsqu'ils s'apprêtent à fêter Noël, un frisson d'émotion le parcourait de temps en temps et il ne pouvait se retenir de siffloter un air de musique qui résonnait à dans les montagnes.
Ils ne s'arrêtent qu'une fois, pour boire, l'homme à la gourde et le chien dans une petite gamelle.
Finalement, il arrivèrent vers midi. Cela se voyait par le soleil qui tapait au-dessus d'eux et s'entendait par le ventre de l'homme qui ne cessait de gronder.
Devant eux s'étendait un paysage magnifique, comme la plupart d'entre nous n'a jamais vu. Entouré de montagnes, un lac reposait au centre d'une grande vallée de fleurs de toutes les couleurs, si bien que l'on pourrait se croire sur un arc-en-ciel.
Le soleil se reflétait au fond de l'eau transparente qui laissait apparaître la végétation sous-marine. En été, on y voyait même les poissons nager et les canards s'y promener en famille.
Le chien courut s'y baigner tandis que l'homme se dirigea vers un grand chêne, sans aucun doute le plus grand de tous, sur son tronc était gravé, au couteau, "Louise restera la plus resplendissante des fleurs".
Il enlaça l'arbre et chuchota "Tu me manques tellement". Puis, il ferma les yeux et se perdit dans ses souvenirs.
Il se rememorait la première fois où il était venu ici, en compagnie d'une jeune femme aux cheveux d'un roux unique et au sourire attachant et sincère. Lui, encore brun à l'époque, était un homme charmant, plutôt grand et costaud. Ils semblaient pourtant être des enfants face à cette puissante Nature qui s'offrait à eux.
C'était ici qu'il avait embrassé Louise pour la première fois, sous ce chêne qu'il lui avait dit "je t'aime".
Ils étaient revenus si souvent sans jamais se lasser de la beauté des lieux, dans leur regards flottait toujours la même admiration.
C'était ici qu'il était venu pleurer sa femme disparue, ici qu'il avait déposé ses cendres, ici qu'elle reposait, ici qu'il voudrait reposer lorsque viendra son heure. Et c'était ici, qu'il rangeait tout ses souvenirs.
L'hoe s'écarta de l'arbre, une l'arme coulant le long de son visage creusé par l'âge. Il le regarda une dernière fois puis appela son chien qui sorti de l'eau immédiatement.
Ils partirent ensemble, tournant le dos à l'univers qu'ils ne verront plus durant des mois.
On pouvait tout de même entendre l'homme murmurer "à bientôt Louise".