Chapitre 8

111 7 0
                                    

Néhémie cliqua sur le bouton envoyer et laissa tomber son téléphone dans la poche. Son souffle chaud se matérialisait dans le froid, et le jeu de clefs de chez elle cliquetait entre ses doigts. Elle patienta quelques minutes, juste le temps d’arriver devant le bistro où elle travaillait, avant de ressortir son portable et laisser glisser son indexe sur le logo bicolore de YouTube. Il était déjà sept heures passée, mais maintenant qu’elle était arrivée proche du Webedia, elle pouvait se poser sur le perron de son lieu de travail et attrapa ses écouteurs.

Le Live était bien avancé, et elle était un peu déçue d’en avoir loupé le début.

C’est alors qu’une notification l’interpela, et son cœur rata un battement ou deux. Elle papillonna plusieurs fois des yeux en lisant le mail une fois, deux fois, trois fois, avant de tout éteindre et remettre son sac en bandoulière. Elle se leva un peu trop rapidement, sentit ses jambes faiblir sous son poids sans la lâcher pour autant, et elle se tourna vers le Webedia, visible quelques pâtés de maisons plus loin, dans la même rue.

Elle ignorait pourquoi elle avait envoyé une photo d’elle au réveil, ce matin-là. C’était la première fois, et pour augmenter ses chances d’être prise, elle avait pris cette photo devant le grand bâtiment afin de confirmer qu’elle était juste à côté, prétextant une balade (car elle ne travaillait pas le mercredi). Elle regrettait amèrement d’en avoir eu le courage. Mais maintenant, il était trop tard pour faire marche arrière. Combien de semaines se sont écoulés depuis que McFly l’avait ramenée chez elle ? Déjà que ses souvenirs se faussaient avec le temps, son petit accident ne l’avait pas aidé à saisir la gravité de la situation, si bien que l’on aurait dit un rêve. Un rêve qu’elle avait du mal à saisir lorsque Tori était arrivée chez elle en courant pour tout lui expliquer, tout de suite après le départ de la famille Coscas.

Néhémie voulait le remercier de vive voix. Il voulait aussi présenter ses excuses à Carlito, pour l’autre jour, dans le bistro. Tout cela datait de deux mois, maintenant. Et psychologiquement, elle devait être prête.

Même si elle ne l’était pas, elle se força à l’être.

Lorsqu’elle arriva à l’accueil, elle se permit de penser que l’intérieur était moins impressionnant que dans son imagination. Le réalisme de la caméra avait ses limites, il fallait bien l’admettre.
Un visage qu’elle ne reconnut pas l’interpela à l’entrée du couloir. Il lui parla sans qu’elle ne l’entende, se présenta brièvement, et s’assura qu’elle était bien l’abonnée sélectionnée. La jeune femme était mal à l’aise, mais son cœur cognait d’excitation et son sac étouffa dans ses bras fébrilement anxieux.

« Leur studio est au fond du couloir. La dame qui se trouve devant pourra prendre tes affaires.

- J-je préfère les avoir avec moi…

- Pas de problème. »

Il lui sourit et retourna dans l’ascenseur. Néhémie crut mourir en lisant en grand caractère les lettres qui composaient le nom de leur chaîne YouTube, alors qu’elle longeait la paroi de glace à sa gauche, longue comme la traversée de la Manche. Ses jambes ralentirent le pas sans s’en rendre compte. Une dame était effectivement là, assise sur un tabouret rembourré, un ordinateur sur les genoux. La directrice de la prod’, vue son badge. C’est quoi son nom déjà… ?

Lorsqu’elle aperçut l’abonnée aux cheveux couleur du ciel, elle baissa son casque et esquissa un sourire qui n’avait pas la particularité sévère d’appartenir au monde professionnel. C’était un sourire amical qui pouvait mettre n’importe qui en confiance, même la plus timide des créatures.

« Salut, Néhémie, c’est bien ça ? Je vais te donner un micro. Tu es prête ? Tu veux que je prenne ton sac et ta veste ?

- P-p-pas vraiment… Et non, je préfère garder avec moi… bredouilla-t-elle, la gorge serrée, prête à décamper sur le champ.

J'ai mangé un arc-en-ciel [McFly et Carlito]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant