[À écouter afin de se mettre dans l'ambiance.]
L'aube se lève sur le vallon. De Chaque maison sortent tour à tour les Héritiers du Soleil. Leur tête ornée d'une couronne et d'un médaillon représentant l'Astre, et vêtus de longues robes rouges et blanches ; ils débutèrent leur prière.
Leur campement s'étalait le long d'un large vallon, creusé dans la montagne comme l'empreinte d'un géant l'ayant frappé de son poing. On n'en distinguait pas le fond, masqué par une brume épaisse. De grandes cascades décorées d'arbres ayant pris racines dans les parois rocheuses se perdaient dans ce lac blanc en contre-bas, de part et d'autre de cette majestueuse crevasse. Le plateau était couvert d'herbe rutilante, comme marqués par de nombreux sacrifices. De petites cabanes étaient réparties à distance égale sur le bord de la falaise. Encerclées de grands chênes aux feuillages écarlate, chacune possédait un petit potager dans lequel y était cultivé carottes, pommes de terre et navets ; un enclos où se reposaient volailles et bovins, ainsi qu'un grand bac en briques grises rempli d'eau positionné symétriquement devant le porche.
Comme chaque matin, ils se positionnent devant ces auges humaines. Ils s'agenouillent ensemble, dans une synchronisation parfaite. Tout en contemplant le Soleil qui se lève, ils tendent leurs bras vers le ciel et entament leur prière. Tous en chœur, comme s'il s'agissait là de leur millième récitation, ils disent :
"Ô, être suprême. Toi qui nourrit la terre et la mer, qui élève tes fils et tes filles de leur naissance à leur dernier soupir. Toi qui punit puis bénit le pêcheur repenti. Toi qui, depuis des millénaires, semble ignorer notre salut. Donne-nous un signe de ta présence. Montre-nous que nos prières ne sont pas vaines. Ramène l'envoyé suprême parmi nous. Nous attendons encore, comme nous l'avons toujours fait. Nous te sommes fidèles et patients. Mais puisses-tu nous annoncer son retour, le retour de celui qui jadis repoussa les fléaux, les maladies, fertilisa les terres que nous cultivons aujourd'hui. Loué soit l'Éternel. Loué soit notre maître. Loué soit Aramire."
Un long silence se fit entendre. Les prêcheurs restèrent un moment comme immobiles, agenouillés, les bras au vent, la tête vers le sol. Ils attendirent une réponse, un signe ; mais rien ne parut hormis le cri des aigles virevoltant au-dessus de la brume. Le Soleil était déjà haut dans le ciel. Une nouvelle fois, l'invocation fut un échec : l'Éternel ne reviendrait pas aujourd'hui encore.
Tous rentrèrent, hormis une femme. Elle était toujours agenouillée devant son bac d'eau. Elle pensait. Elle pesait au sein de sa balance personnelle le pour et le contre. Elle connaissait le rituel impie. Elle savait les risques qu'elle prenait. Les Héritiers du Soleil ne le laisseraient pas l'invoquer ; ils finiraient par l'incinérer comme ceux et celles qui ont déjà réalisé l'incantation. Mais l'appel hérétique résonnait si fortement en elle ; elle ne pouvait plus y résister. Elle serait à la hauteur, elle réussirait là où les autres avaient échoué autrefois ; elle en était convaincue.
Alors soudain, elle se leva derechef, elle alla saisir une fine poudre d'or, que les héritiers nommaient Ar'Bashur, ce qui signifiait "Cendres éternelles" en Solanien, et en saupoudra le bac. Ensuite, elle alla chercher des pétales de rose, qu'elle déracina brusquement de son jardinet, et les jeta dans l'eau. Lors d'un instant, elle s'arrêta, l'espace de quelques longues secondes, et pressa à nouveau le pas. Elle sentait en elle monter de lourds regrets ; mais il s'agissait du prix à payer. Elle rentra dans sa demeure, sans un bruit. Elle en ressortit à peine vingt secondes plus tard, tenant ses enfants par les bras. Sans un gémissement, sans un pleur, elle les enroula d'une corde épaisse dont elle serra le nœud bien fort, et les fit s'asseoir au centre du bac ; sans leur adresser la moindre parole. Une fille, d'environ quatre ans, et un garçon de sept ans. Seule une figure masculine pourrait servir de catalyseur, mais deux sacrifices étaient nécessaires. Or, il restait à fournir le don principal, celui qui uniformiserait le tout : un cœur humain à ses derniers battements. Pour accomplir le rituel, l'Héritière du Soleil devait se l'arracher de la poitrine ; c'était loin d'être une tâche facile. Elle s'arma d'un couteau pointu, brillant, récemment aiguisé, à peine eut-on cru qu'il datait de nombreux siècles : on le nommait le Salfar, l'équivalent de "Ìxquac" en Solanien. D'abord, elle le plaça contre sa poitrine et prononça les paroles sacrées en fermant les yeux :
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La Quête du Soleil Déchu
General FictionUn ancien prophète a été sorti de son sommeil millénaire. Des siècles plus tard, dans un monde futuriste proche de l'an 2050, un célèbre bandit aveugle renommé pour avoir commis de nombreux braquages de banques sème la panique au sein d'un état auto...