Je suis Lupe, femme d'une quarantaine passée, un peu perdue actuellement. Perdue dans sa voie professionnelle. je suis depuis 20 ans ce que l'on nomme conseillère technique dans un établissement de type HLM.
Mon travail ingrat consiste à effectuer les état des lieux, les réclamations techniques et diverses taches.
Et oui, ce n'est pas le travail le plus glorifiant loin de là, voire même ingrat et un brin inhumain. Qui n'a jamais craint son départ de location? qui ne s est jamais plaint d'une moisissure au mur ou d'un interrupteur cassé en criant à qui veut bien l'entendre que son proprio s'en fiche et ne fait rien?
Et bien, c est mon quotidien, enfin, de l'autre coté du décor.
Mon métier pour un locataire est de dire non, non et non.
et pourtant....
je suis rentrée dans cette collectivité lorsque les HLM étaient encore un établissement public: OPDHLM. Certes l'organisme comptait moins de logements qu'actuellement, mais le coté humain me convenait d'avantage. nous avions à traiter les réclamations, les états des lieux, les programmation de travaux... nous faisions notre travail passionnément et rencontrions des locataires tous différents. Je ne nie pas qu'il y avait des moments difficiles, des personnes agressives, quelques jurons, menaces ou harcèlements; Mais nous y arrivions. nous passions outre, aidés par notre hiérarchie.
Mais maintenant...
Maintenant, les Offices hlm sont privatisés, devenus OPAC, EpiC , etc. et oui, faut bien baisser le nombre de fonctionnaires! maintenant tout à changer.
La vie à d'ailleurs changer, les locataires également.
Je vais peut être faire crier, rager certains. Mais il faut le dire certains refusent un logement au bout de 3 visites différentes :celui ci n'est pas à leur gout, la papier peint est moche ou c est une douche et non une baignoire. la plupart sont à la rue, en surendettement, ou d'autres aléas de la vie. les priorités ne sont plus les mêmes et le degré d'exigence est plafonné a très haut!!!
Et pourtant, dans mon organisme, je n'ai pas honte de ce que je loue, bien au contraire. les logements et les équipements qui les composent sont de bonne qualité. (J'ai d'ailleurs été locataire depuis mon plus jeune âge et n'en ai que de bons souvenirs). Mais ceci n'est plus suffisant; Les états des lieux entrants sont devenus un combat: je veux ci, je veux ca. Les rapports humains ont disparu lors de l'entrée dans le logement, je ne suis plus quelqu'un mais QUELQUE CHOSE. Cette chose qui note, soit trop vite pour les moins pressés, soit pas assez vite pour les autres. J'en ai même vus, à quatre pattes à inspecter avec la loupe chaque millimètre carré de sol au cas ou j'oublierai un accroc. La Patience je l'ai, le sourire également. C'est ce qui a valu que je tienne si longtemps.
Mais mon travail ne se résume pas à l'État des lieux entrée. Je dois également en faire la sortie. Cela peut paraitre surprenant mais c'est l'état des lieux qui me plait le plus. Certes l'entrant est un tournant dans la vie des locataires mais leur sortie est pour la plupart un départ pour une nouvelle vie: mise en couple, achat, location pour une maison, changement professionnel... et j en suis à chaque fois heureuse pour eux. Ce moment où je ferme pour la dernière fois leur porte laissant leurs souvenirs à l'intérieur mais en leur disant que d'autres tout aussi beaux se construiront dans leur futur logement. Un appartement n'est pas simplement un lieu où l'on vit il abrite aussi les souvenirs, la sécurité, la naissance d'un enfant, ou tout au contraire la peur et la souffrance. Quand on laisse un logement on laisse une partie de soi. Qui n'a jamais regardé son ancien logement en passant devant, esquissant un sourire ou ayant quelques émotions. Ces murs renferment beaucoup de choses.