Contes et Légendes du Rivage Inachevé

Opale

La flèche siffla près de son oreille, d'un mouvement rapide, elle l'évita et lança une poudre sur l'assaillant. En voyant les grains arriver, il prit peur et s'enfuit. Emilia se laissa tomber sur le chemin de terre. Du sable, elle l'avait fait fuir avec du sable. Certes, ce n'était qu'un pauvre soldat en quête de reconnaissance, mais quand même. Ne pas différencier une poudre magique d'une simple poignée de sable...

La jeune fille se releva et partit examiner la flèche. Une plume magenta, une pointe d'obsidienne, aucun doute elle était l'œuvre d'Améthyste, le sorcier du village qu'elle venait de quitter. Sorcier, il ne méritait pas le titre de magicien. Ce n'était pas qu'il ne maîtrisait pas les arts occultes, mais plutôt qu'il avait récemment décider de se limiter au seul art de l'enchantement des armes. Il ne pouvait même plus soigner une égratignure d'enfant. Alors évidemment l'arrivée d'Opale et la démonstration des pouvoirs d'Emilia l'avaient ridiculisé, et blesser la sorcière lui aurait redonné un peu de crédit. Hélas pour lui, la flèche enchantée n'avait même pas effleuré la cape blanche qui recouvrait la robe de la magicienne. Elle jeta un regard inquiet sur sa bourse puis soupira de soulagement, la petite pochette de cuir ne s'était pas ouverte.

Emilia reprit sa route sans plus d'attention après avoir récupéré la flèche et l'avoir rangée dans sa bourse. Le chemin s'enfonçait dans la forêt qui s'assombrissait de plus en plus, comme le ciel de fin d'après-midi. La sorcière n'avait pas peur, la forêt était son territoire, là où elle était le plus en sécurité. Les loups la protégeaient, les arbres l'accueillaient et le chemin la guidait là où elle voulait, là où elle devait aller. Le vent calme chassait les quelques feuilles tombées au sol, la pluie chuchotait sur les troncs des chênes, châtaigniers et bouleaux.

La magicienne releva les yeux, devant elle s'ouvrait une clairière au centre de laquelle se révélait une étendue bleutée. Un sourire s'étira sur ses lèvres, le lac d'argent était enfin là. Elle s'avança et laissa son image miroiter dans l'eau. Ses longs cheveux roux se détachaient sur sa robe blanche décorée de broderies argentées et de perles. Sa cape, blanche également, était retenue par une broche surmontée d'une seule énorme opale taillée en ovale et montée sur une armature d'argent très fine. La sorcière prononça une série de mots aux sons gutturaux et intraduisible. Le lac s'effaça en partie et un escalier apparut. Il était sculpté dans le plus fin des cristaux si bien que les marches ne se révélaient qu'à l'instant où l'on posait le pied dessus. La citée était là, éclairée de lanternes à la flamme blanche. Opale entra dans la grande tour surplombée d'un livre. Iliana l'attendait, comme d'habitude. La bonde avait revêtu une robe bordeaux et blanche, et sa cape fermée par un rubis. Elle leva à peine la tête de son livre mais prit tout de même la parole :

« - Bonjour Opale, que veux-tu au livre du savoir ? Ou à la Grande Gardienne de la Cité ?

- Bonjour Rubis, je souhaite récupérer ma chambre en attendant le Grand Conseil et je demande la convocation du mage Améthyste.

- La chambre opale est libre, voilà tes clés, j'imagine que tu sais où elle est depuis le temps mais j'appelle tout de même Eliora pour t'accompagner. Ta requête est prise en compte, puis-je en connaître la raison ?

- Disons que je me range du côté de la « Grande Gardienne de la Cité » et que j'ai une preuve accablante contre le propriétaire de la broche du Temps. »

La sorcière blonde ne releva toujours pas la tête mais le léger sourire qui apparut sur son visage laissait voir son contentement. Après un léger silence elle reprit :

« - Bien. Le dîner des mages est prévu à 20h. Tu comptes être présente ?

- Quels mages y paraîtront ?