Il faut qu'elle se lève. Mais ce matin est l'un des pires matins. Tout son corps hurle et elle tente de réprimer ce cri qui lui demande de rester sous les couettes. La chambre est éclairée par le soleil qui se lève à peine et la chambre prend des couleurs pâle. Il fait déjà chaud et ses pores transpirent, collant les draps- devenu gris à force de lavage- à sa peau. Les placards dégoulinent de vêtements et ils sont pratiquement tous roulés en boule et remis à la va vite sur les étagères. Une montagne de linge sale colonise une chaise de bureau. Des bouteilles d'eau et des pots de glaces débordent de la petite caisse qui lui sert de poubelle. Elle n'a vraiment pas envie de se lever. Elle n'a jamais eu autant envie de faire une croix sur tout ça. Faire une croix sur la vaisselle entassée dans l'évier, une croix sur le canapé déchiré par les griffes d'un chat malhonnête, sur le miroir de la salle de bain cassé et plein d'éclaboussure de dentifrice, sur les chaussures éparpillés dans l'entrée, le pommeau de douche qui fuit, la table à manger bancale, la télé qui marche une fois sur trois, le voisin du dessus qui marche en talon tous les matin à sept heures, les mauvaises odeurs de l'évier, la chasse d'eau qui continue de couler, les fenêtres qui n'isolent pas des bruits du bar d'en bas, les trous dans les murs, les volets qui tombent sans prévenir, le frigo qui fait aussi marteau piqueur quand on cherche le sommeil. Tout ça : elle en avait marre. Elle voulait partir depuis plus d'un an mais comme on dit : l'inconnu fou toujours les jetons.
Mais ce matin à l'air d'être le matin de trop. Il le faut, ce n'est plus vivable, elle se connaît, si elle reste comme ça tout va empirer. Elle trouve enfin la force de se lever, éteint le quatrième réveil programmer sur son téléphone cassé. Elle pousse la porte de sa chambre puisque la poignée est cassée et se dirige dans l'autre chambre. Elle n'a même pas envie de le réveiller aujourd'hui. Elle ouvre simplement la porte de son fils. Il dort paisiblement et elle se demande ce que ça ferait si elle l'emmenait avec elle. Si elle partait avec lui, maintenant. Si elle pouvait y arriver. Elle pourrait lui apprendre tout ce qu'elle sait -et elle en sait des choses.- Comme ça on ne dirait pas mais elle est intelligente. C'est simplement qu'elle est loin d'utiliser tout son potentiel.
Elle a les cheveux ébouriffés et ses yeux sont encore maquillés, son pull lui tombe d'une épaule et ses genoux faiblards sont couverts de bleus. Elle s'épuise au travail, frotte de toutes ses forces les toilettes d'un grand hôtel pour pouvoir payer le loyer de cet appartement maudit. Elle se demande si c'est simple de quitter un travail. Elle sait qu'avec ses économies ils auraient assez pour partir avec ou sans la dernière paye de son mois de labeur. Son fils remut, elle referme un peu la porte par peur de l'avoir réveillé avec la lumière du couloir. Mais elle continue de le fixer en train de dormir, il est si paisible comme si le monde était doux et que les problèmes qu'ils avaient n'existaient pas. Elle l'a appelé Sohan -qui veut dire étoile-, lorsqu'elle a accouché elle a pensé que c'était jolie, elle avait lu ça dans une publicité sur un site qui donnait les noms des bébés et leurs significations. Quand elle a accouché c'est le seul prénom dont elle se souvenait. Comme quoi, parfois on ne réfléchit pas plus que ça pour quelque chose qu'on portera toute sa vie durant.
Il a bougé une nouvelle fois et elle s'est cachée derrière la porte. Sohan n'avait pas de père, du moins il n'a jamais redonné signe de vie après l'accouchement. Elle devrait lui demander quelque chose, une pension alimentaire ou un peu d'aide mais elle ne l'avait jamais revu, et plus personne ne parlait de lui. Comme évaporé. Mais son absence lui allait bien, c'était un connard pour elle. Elle continue encore de se demander pourquoi l'amour nous aveugle parfois autant.
Elle ferme la porte, va s'assoir sur le canapé et caresse la tête de son chat, ses ronronnements l'apaisent et elle se détend un peu. Elle a une décision à prendre et cela avant d'être en retard pour l'école.
Après tout il suffit de dire oui.
Mais le mot oui est souvent accompagné d'un tas d'inconvénients. Tout comme le non.
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Leave it all behind
Короткий рассказElle n'en peut plus, ses pensées vont peut-être lui sauver la vie.