Chapitre 2

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Partie 1

- Jane -

Déterminé à préserver sa fierté, Lane s’est précipité sur le chemin dès la fin de l’entraînement. Il court en tête, dix mètres devant moi, en direction du palais. Fidèle à ma gentillesse légendaire, je ne lui dirai pas que je lui laisse volontairement de l’avance. Malgré toute sa bonne volonté, il ne sera jamais plus rapide que moi en course.
Mais je le laisse espérer.

Nous arrivons rapidement au pied d’une des immenses portes arrière du palais, donnant accès à l’immense parc et aux terrains d’entraînement. Deux domestiques en livrée dorée, la couleur du royaume,  placés de part et d’autres de la porte s’inclinent à notre arrivée et poussent les deux battants pour nous laisser pénétrer dans cette immense demeure qui se trouve être mon foyer.
Mon frère et moi parcourons les couloirs qui se mêlent et s’entremêlent en un dédale organisé qui  fait sens à la lumière de toutes les fois où je les aie arpentés. Nous avançons au cœur du palais en direction de son centre ultime, la Salle du Trône.

Mon regard se pose soudain sur une porte battante en chêne aux poignées recouvertes d’argent. La pièce qui se trouve de l’autre côté me voit me dévoiler comme nul-part ailleurs dès que j’en ressens le besoin. A l’abri de tout regard j’y pratique et perfectionne ma passion.
Je détourne le regard, me promettant d’y revenir d’ici peu, et continue ma progression, accélérant ma cadence pour rattraper Lane. J’arrive à sa hauteur et observe les lignes de sa mâchoire se contracter à la vue des différentes tapisseries filées d’or et statues en granite qui décorent le couloir. Le désir d’étaler la richesse de notre royaume à outrance est clairement visible. Mon frère n’a jamais pu supporter ce côté-là de la noblesse, la vanité et l’arrogance portés au sommet dans ce jeu mêlant l’être et le paraître et dont le graal est la puissance. Je lui effleure le bras du bout de mes doigts et il tourne le regard vers moi, les sourcils arqués traduisant silencieusement son incompréhension.

- C’est une bonne chose qu’on soit nés après lui, pas vrai ? 

Il acquiesce silencieusement, comme absent. L’air de ce palais pollué à longueur de journée par toute cette médisance et cette fausseté l’aurait tué à petit feu. Il est fait pour l’action, ce qui l’anime est de prendre part aux décisions, d’agir. Les combats attisent son feu intérieur, l’aiguisent. 

Au détour du couloir, Lane et moi échangeons un regard complice. Nous nous remémorons tous deux le même souvenir. Un petit Lane et des petites Jane et Charlotte se matérialisent devant nous, tels les acteurs d’un songe recréant une scène que nous avons tant de fois vécue. Le fantôme d’une voix mélodieuse, dans laquelle un charmant accent transparaît, parvient à nos oreilles :

 - Jane cours, attention ! Tu ne nous attraperas pas Lane. 

Ponctué de rires innocents.

Un sourire nostalgique étire nos lèvres ne pouvant nous quitter.
Nous arrivons finalement au cœur du palais. Une file de nobles patientent devant l’immense porte en ébène parsemée d’une nuée d’étoiles faîtes d’or surveillée par des gardes et donnant accès à la Salle du Trône. Nos visages font l’office d’une carte d’accès ouvrant toutes les portes. Les gardes nous laissent donc passer en s’inclinant sur notre passage.
Notre salle du trône est construite en pentagone et est pourvue d’une unique porte pour y accéder. Elle n’est que luxe et beauté. 

Lane pénètre dans la salle d'un pas déterminé, comme à son habitude. Je le suis à une allure plus posée, occupée à observer et analyser les alentours. Des courtisans de rang inférieur ont obtenus l'accès à cet événement annuel, Le Renouvellement des vœux, en gagnant les faveurs du Roi au cours de ces derniers mois.
Ils se pressent ainsi de part et d'autre de la salle, le long des colonnades sculptées de magnifiques rosiers aux épines tranchantes qui donnent de la noblesse à ce lieu en l'assimilant à un temple. Je laisse mon regard dériver le long de leurs tenues plus extravagantes les unes que les autres, contrastant avec leur expression figée en une hypocrisie commune. Derrière une myriade d'éventails rouge et or aux couleurs du royaume, leur regard avide scrute les membres des familles Nobles les plus estimées défilant depuis des heures devant les Souverains, à l'affût du moindre faux pas.
Exaspérée, je détourne le regard et fixe à la place les délicates mosaïques aux teintes chaudes pavant le sol sous mes pieds. Elles s'allient parfaitement au marbre rouge et à l'or des colonnades.

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