Prologue

1.4K 81 43
                                    

Les yeux baissés vers l'écran de mon ordinateur, je tape frénétiquement le bout de mon crayon contre la table. Le curseur apparaît et disparaît au bout de l'unique mot qui constitue la première page d'un long récit. Le regard fixé sur ce nom, je fais nerveusement danser mon crayon entre mes doigts.

Un mot, un titre : Euphoria.

Je déglutis et finis par poser le critérium sur mon carnet de notes usé par les mois passés à enquêter, à collecter et à rassembler des informations. Sans compter les nombreuses heures consacrées à essayer de les déchiffrer, ceci est le fruit d'un travail de longue haleine.

Je prends mon crayon et entoure grossièrement un nom, puis un autre, et encore un autre : Hiro, Alicia, Julian. Je dessine une ligne qui les lie puis pose à nouveau les yeux sur mon écran qui s'est mis en veille. Sous la pression, la mine se brise sur la dernière lettre de son prénom, Julian. J'expire et dans ce miroir noir, j'aperçois mon propre reflet. Celui d'une jeune femme de 24 ans, destinée à devenir une des meilleures journalistes de sa génération. Je suppose qu'à Harvard, on ne forme pas sur le prix que coûte réellement la vérité. Peut être aurais-je pris un chemin différent ?

Le bruit insupportable de la matraque tapant contre le métal froid de la porte me fait sortir de mes pensées.

- Fin de la récréation, retour dans ta cellule. Me lance le gardien sur un ton mécanique.

Je glisse discrètement mon petit carnet dans la poche de ma combinaison orange et me lève. Je fais bouger la souris pour rallumer l'ordinateur, j'appuie longuement sur le bouton Retour et c'est comme ça que les lettres qui composent ce mot : Euphoria, s'effacent à nouveau. Le curseur clignote à présent sur une page totalement blanche. Je rassemble mes longs cheveux noirs en un chignon que je fais tenir avec mon crayon et sors.

Aussitôt sortie de la bulle de tranquillité que m'offrait la grotesque bibliothèque du centre pénitentiaire de Bedford Hills, une vague de violence me submerge. Les cris des femmes résonnent contre le béton froid des murs qui constituent mon chez moi depuis presque 1 an et demi. Je marche lentement dans le long couloir qui me mènera droit dans ma cellule. Le gardien m'ouvre, j'entre, et les barreaux se referment une nouvelle fois derrière moi dans un bruit qui me glace toujours autant le sang.

Je n'ai pas le temps de regagner la planche raide qui me sert de lit qu'un autre gardien m'interpelle.

-Khan, parloir. Lance t il en me faisant signe de le suivre.

Je fronce les sourcils et m'exécute. Qui pourrait bien faire le déplacement jusqu'ici ? Certainement pas mes parents. La honte que je leur inspire désormais suffit à les garder très loin d'ici. Nous sommes en décembre, je ne peux m'empêcher de penser à eux. Est ce qu'ils pensent à moi ? Est ce que mon souvenir hante encore les couloirs de notre grande maison familiale à Dallas ? La dernière phrase de mon père résonne encore dans mon esprit : "tu as sali le nom des Khan".

Je me frotte les poignets comme pour les préparer à être à nouveau menottés. Le métal froid contre ma peau, j'avance derrière le gardien et jusqu'aux parloirs. Des grandes parois de plexiglass sont érigées entre nous et les visiteurs comme un rempart qui séparent les animaux des hommes. Le gardien me fait signe de m'asseoir au box numéro 10. Je fais quelques pas puis m'arrête net en voyant la silhouette de l'homme qui se tient devant moi. Du haut de ses 1m90, il se tourne enfin pour me faire face. Je serre les poings mais sous le regard insistant des gardiens, je me force à prendre place sur la chaise au cuir rouge usé. Je pose mes mains liées par mes chaînes de métal à plat sur la table sans quitter des yeux celui à cause de qui je suis enfermée ici aujourd'hui.

Il s'installe. Ses yeux bleus me transpercent d'un regard qui me retourne toujours autant l'estomac. Lorsqu'il tend le bras pour décrocher le combiné du téléphone, les muscles de son bras se contractent sous sa veste noire. Sans le quitter des yeux, je me saisis également du téléphone et le porte à mon oreille. Un long silence fait grésiller la ligne. Ses cheveux bruns foncés retombent sur ses yeux, il a laissé sa barbe poussée ce qui lui donne un air beaucoup plus mature. Il fait enfin ses 26 ans.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Oct 01, 2023 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant