Fuire

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La porte claque derrière moi. Mes pieds martèlent le sol, d'un rythme de plus en plus rapide. Le sac à dos que j'ai balancé à la va-vite sur mes épaules est lourd du poids de ma souffrance. Des larmes dévalent mes joues sans discontinuer, mais je ne m'en soucie plus.

La scène se rejoue des milliers de fois devant mes yeux. Sa voix résonne dans mon crâne : « Lyne ! »

« Et si tu devais me donner un surnom, ce serait quoi ?

Sa voix est chantante, légère. Libre de tout. D'aimer, surtout.

- Mmm..., je réfléchis. Petit Ange.

Elle hausse les sourcils. J'adore quand elle fait cette tête.

- Pourquoi ? me demande-t-elle.

- Pour quelqu'un du nom de Sky et qui est adorable avec moi, ça correspond bien, non ?

- Et bien si tu vois les choses comme ça, tu seras mon Petit Oiseau.

Je penche la tête sur le côté, l'encourageant à développer.

- Les oiseaux volent dans le ciel. In the sky. Je voudrais pouvoir te voir chaque seconde.

Le pépiement d'un moineau me tire de mes souvenirs. Les oiseaux sont toujours là. Je lève la tête : le ciel est toujours là aussi. Pourtant, j'ai disparu du cœur de Sky. Je suis un moineau perdu, sans ailes. Je ne peux plus voler. Je ne sais même pas où je trouve encore la force d'avancer. Ma force, mes envies, mon moteur, ma raison de continuer,... Elle est tout pour moi. Ou elle était ? Je ne sais plus si je dois parler au passé ou au présent. Elle et moi, c'est un « avant » ou un « maintenant » ?

« Personne ne m'a jamais aussi bien compris que toi.

- Ah bon ?

Sky, blottie contre moi, laisse tomber sa tête sur mon épaule. Mon cœur en profite pour improviser une samba d'un rythme effréné.

- Oui. Quand je te parle, tu m'écoutes. Tu ne me rejettes pas. Tu acceptes le fardeau de mon passé, sans rien laisser de côté. Je...

Sa voix se brise. Comme chaque fois que nous abordons le sujet du « Avant ». Avant le « nous ». Avant notre monde.

- N'y pense plus, Petit Ange.

Je scelle mes paroles en posant mes lèvres sur les siennes.

Mon cœur bat trop vite, au bord de l'explosion, suivant le tempo de mes pas qui me mènent Dieu sait où. Mais ce n'est pas important.

Le frottement de mes manches sur mes cicatrices rouvre les coupures. Je sens du sang dégouliner le long de mes bras. Je serre les dents et me concentre sur ce sentier de forêt qui m'éloigne d'elles, de ce monde qui s'effondre. Le mien, le sien. Le nôtre.

« Lyne !

Elle a hurlé, alors que je ne me tiens qu'à un mètre d'elle.

- Lyne ! Non !

Elle tombe à genoux, crie sa rage, encore et encore. Je m'accroupis à côté d'elle, lui caresse les cheveux.

- Calme-toi.

Ma voix se veut assurée, mais elle est bien trop chevrotante.

- Comment tu veux que je me calme ?

- Tout va bien, murmuré-je.

Remember me under the sunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant