« Dame Courtois, vous ne partez point pour l'abattoir. » marmonna une voix dans la nuit noire qui faisait resplendir la douce France qu'était Paris en cette même nuit. « Souriez ! Vous vous apprêtez à rencontrer la Reine ! »
Cela faisait bel et bien quelques semaines que l'attelage n'avait cessé d’arpenter les délicates et, pourtant, si fantastiques ruelles de la belle ville de l'amour, celle des Lumières, la délicate et douce Paris. Les quelques gouttelettes de pluie qui parvenaient à s'échapper du toit venaient se joncher à l'intérieur de la voiture, clapotant sur le sol de velours sous les hurlements et gémissements des femmes qui s'y trouvaient. Des rires en jaillirent, signe de joie et de bons temps. Toutefois, le second attelage qui suivait, quant à lui, semblait être bien plus silencieux et calme. Pas un bruit ne s'immisçait de l'intérieur. Là n'était qu'un marbre de plus. Et, cela, même lorsque l'une des roues du carrosse se heurta contre une bosse, un petit creux de la route. Ce qui engendra un cri de crainte et de violence dans le premier se fit refléter par une inquiétude silencieuse. Bientôt, les ruelles de la douce Paris s'estompèrent pour délaisser de vastes paysages sous les yeux de chacun.
La jeune duchesse avait relevé la tête avec un délicat sourire. Ô grand dieu ! Ce qu'elle aurait préféré rester à Limoges. Là-bas, il y faisait si bon, si beau et le monde y était tant chaleureux. Qu'est-ce que la Reine pouvait bien le lui vouloir au palais ? À elle, à vrai dire, la fille d'un duc et d'une lignée titrée par le précédent roi et devenue plus nobles que l'on aurait pu y croire. Elle qui s'était apprêtée à épouser le Duc espagnol qu'était Mavelon, bien plus par honneur que par amour. Ô oui, la duchesse s'était bien faite à tous ses changements, persuadée qu'il s'agissait du mieux pour sa famille. Pourtant, voilà qu'on venait à l'envoyer à des semaines de sa vie pour se trouver à la Cour du Roi Louis XVI, se pavanant face à un peuple qui demandait rébellion et, de ce même fait, menaçait sans chevelure aux boucles si soyeuses.
Dame Bonacieux ne lui offrit point mot pour le reste du trajet. Certes, les jeunes femmes s'apprêtaient bientôt à arriver au Château de Versailles, mais entendre la voix, si odieuse soit-elle, de cette dernière ne semblait être que trop déplaisait à la Duchesse Courtois. Cette dernière en avait fait sa rencontre il y a de cela plusieurs années et, cela, lors d'un bal organisé en l'honneur du nouveau-né de son frère le plus âgé, Louis. La dame en était venue à se pavaner sous les yeux de ce dernier comme si elle en avait sa femme, ce que la plus jeune avait trouvé hautement déplacé. Toutefois, elle n'en avait rien dit. Le long de sa jeunesse, elle avait offert tant d'amour à son vieux frère qu'elle en aurait bien été incapable de lui avouer que ce que cherchait la Dame Bonacieux, outre l'amour d'un homme bien gradé, n'était qu'une nuit au bras d'un beau chevalier servant. Non, elle n'avait pu s'y résoudre à le lui annoncer.
Constance. Tel était son prénom. Personne ne l'avait appelé de la sorte et, ce, avec tant d'amour depuis que son père avait été amené à se rendre, peu avant elle, à Versailles dans l'unique but d'en venir à l'aide au Roi qui ne parvenait, dorénavant, plus à maintenir divers nobles. Père, songea la jeune femme, avait toujours été d'une autorité impressionnante mais avec un semblant de maintien de paix, ce que la brunette avait toujours été amené à jalouser. Du temps où elle fut enfant, son père, le Duc, arpentait les couloirs avec des vieux récits rédigés des mains d'illustres auteurs. Toutefois, la demoiselle en avait toujours préféré les récits que l'on comptait aux adultes. À vrai dire, la lecture avait fait partit d'elle comme son cœur battait pour la littérature. Tout d'abord, peu à peu et puis, tout d'un coup, subitement.
« - Pensez-vous que la Reine m'appréciera, ma Dame ? s'était lamentée la Dame Bonacieux en arpentant son éventail au plus près de ses lèvres, masquant son sourire et ses vilaines pommettes. Valentine de la Tour m'a conté que les cousins du roi étaient très charmeurs. Peut être parviendrais-je à débusquer une rencontre avec l'un de ces derniers. Qu'en pensez-vous ?
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La Dame en bleu
RomanceEnfant tirée de la noblesse , Constance de Gravin est invitée à la Cour royale de Versailles afin d'y devenir dame de compagnie de la reine Marie Antoinette, femme du roi Louis XVI. Contrainte de quitter la province limougeaude pour atterrir tout dr...