#6 : Cloé

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Perchée face à moi sur ce rocher déchiqueté, les cheveux auburn, longs et ondulants voletant, sa poitrine épaisse aux larges mamelons exposée aux embruns glacés, elle regardait, penchée, la mer se briser à ses pieds.

Obnubilé par sa lourde poitrine dont les deux sommets bougeaient au moindre mouvement, jouissant de leur liberté comme deux jeunes amants, je failli en louper son doux sourire. Elle tourna son visage vers moi, et commença à me raconter. Ou plutôt me conter.

Me conter la fois où elle avait fait l'amour avec une sirène, à cet endroit même.

- Je me souviens tu sais... Des étoiles... Du froid... De moi m'immergeant nue, dans l'eau, par envie de ne faire qu'un avec la nature, par défi. De mon corps anesthésié par le froid subissant la morsure brûlante de chaque courant d'eau salée cinglant mes cuisses et mes côtes, de l'aprêté de la roche contre mes os. De l'odeur de la lune et du souffle des algues.

Elle s'enserra de ses propres bras.

- J'étais libre et nue, j'étais fille et amante de la lune. Amante de la mer, étant tour à tour son égale et sa soumise. Il ne me fallu qu'une seconde pour sentir cette longue langue d'écailles remonter s'enrouler s'enlacer autour de ma jambe. C'était une langue épaisse comme une liane, qui se mouvait rapidement, de plus en plus pesante. Je n'avais même pas hurlé, je ne m'étais même pas débattue, peut-être étais-je paralysée à cause du froid, peut-être pensais-je que de toute façon j'étais vouée à mourir.

Elle glissa ses mains sous ses cheveux, sur sa nuque.

- Je vis son visage émerger de l'eau, pile en face du mien. Elle était belle, éthérée, luisante. Bercées par les flots, nos corps se rencontrant parfois dans la noirceur des eaux. Ses yeux caressèrent mon visage, tandis que les miens embrassèrent le sien. Elle leva finement une main vers mes cheveux qu'elle caressa. Sa moue intriguée me fit éclater de rire. Elle y répondit par un sourire. Nous n'échangeâmes pas un mot cette rencontre-là, ce n'était pas nécessaire. On se sentait bien l'une avec l'autre. Je lui ouvris mes bras, elle vint s'y blottir.

Elle s'accroupit, sourit et regarda les embruns. Une mèche soyeuse lui barrait le visage.

- Je me souviens du poids de sa queue pesante entre mes jambes. De ses seins qui se fondirent dans les miens. De sa bouche douce et très salée. De ses gémissements qui laissaient parfois transparaître comme un écho de chant de baleine. Du bruit de la mer devenu soudain assourdissant, où se mêlaient nos voix extasiées, de cette union dans le ventre même des éléments.

Cloé s'embrasait, feu brûlant au dessus de l'océan. Elle caressait du bout des doigts la serpentine de peau entre ses deux seins.

- Je me souviens de ses mains partout, de sa bouche, partout, de ses yeux. De elle, partout, partout, partout. De la légère viscosité de ses nageoires dorsales et pectorales. De ses pupilles qui changeaient de forme sous mes iris, quand une onde de plaisir la traversait. Elle sentait la mer et les coquillages, et les choses vivantes et la femme, et la créature magique, et le rêve, et l'âme et la vie. Nos cheveux flottaient dans l'eau, auburn sur irisé, comme des filaments d'étoiles filantes en train de se noyer.

Je n'avais pas cessé de la regarder, elle me rendit mon regard.

Et s'en retourna vers le rocher et l'océan.

Et s'en retourna vers le rocher et l'océan

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