Épouvantail | 48min | (Myroire)
Le jeune Witri et son ami Thanas déambulaient de petites ruelles en venelles plus étroites encore. L'après midi touchait à sa fin, et les deux compagnons se dirigeaient vers un quartier nocturne pour se détendre après une dure journée de travail.
Les environs étaient très calmes et on entendait les bruits de leurs pas résonner sur les pavés.
Witri commenta :
- Tu ne trouves pas que c'est silencieux par ici ?
Thanas gloussa et rétorqua :
- Ce calme macabre, en cette nuit noire, est un fil tranchant sur le cou de notre sérénité. Je le préfère néanmoins aux ténèbres des bas-fonds.
- Moui, c'est vrai que les entrailles sont plutôt dangereuses ces derniers temps. Ceux qui y vivent n'ont vraiment pas de chance.
- Les ombres qui hantent ces lieux ont à peine plus de possessions que des spectres, et c'est ce qui les y confine. Et toi, as-tu les moyens de parvenir à tes ambitions, ou seras-tu, à ton tour, obligé d'abandonner tes rêves ?
- Oui, ne t'inquiète pas, je ne vais pas oublier mon porte-monnaie pour aller boire tout de même.
- Espérons pour toi que les enfants de la nuit ne rôdent pas au coin de chaque mur, ou leur oreilles pourraient dévorer avidement tes paroles, auquel cas, seul le désarroi t'attend.
- C'est vrai, mais ce quartier résidentiel à beau être plutôt déserté, il se trouve dans la ville haute, derrière le périmètre protégé. Ils n'oseraient pas ...
- Ta naïveté pousse la mort à sourire dans ton dos. Jamais, avec pareilles pensées, tu ne survivras à l'apocalypse qui s'annonce.
- L'apocalypse ? Quelle apocalypse ?
- Celle que les apôtres mécanisés ont prédite, et dont la nouvelle a, par plusieurs fois déjà, secoué la ville, tel des prémices annonciateurs d'un séisme à venir.
- Ah ! La crise économique ?
- Certains la nomment ainsi, en effet.
- Ne t'en fais pas pour moi, je sais dépenser mon argent intelligemment.
- Pourvu que tes réserves ne fondent pas aussi vite que les charognards dépouillent les cadavres à la surface.
- Tu l'as dit !
Les deux hommes cessèrent de parler d'argent.
Ils entraient dans le pourtour d'Exeraï, l'un des quartiers du plaisir les plus renommé et fréquenté par la classe moyenne. Cependant, il n'était pas rare d'y retrouver voleurs, bandits, chasseurs de primes et autres hors-la-loi, prudence restait de mise.
Les deux amis arrivèrent devant un bar, « le château fleuri », leur favori. Un des rares établissement du secteur, assez raffinés pour attirer une clientèle féminine qui ne soit pas « en service ».
Ça venait tout juste d'ouvrir, ils étaient pile à l'heure pour prendre les meilleurs sièges.
Ils entrèrent et s'installèrent.
La patronne, une humaine musclée qui commençait à les connaître les salua :
- Witri, l'épouvantail, comment ça va ?
Thanas se renfrogna, et son ami répondit à sa place :
- Bien, puisqu'on est là ! Par contre tu sais bien qu'il n'aime pas ce surnom.
- Peut-être, mais il est mérité.
Une nouvelle cliente, installé non loin, s'intéressa à la conversation :
- Ah bon ? Il est un peu pâle, mais c'est plutôt un joli garçon, pas de quoi être effrayé. Qu'est-ce qu'il a bien pu faire pour mériter un tel titre ?
L'intéressé répondit, un peu gêné :
- Vos paroles sont légères, mais le passé pèse comme un ralbak mort lorsqu'il est révélé sans précaution, un ralbak venimeux, même. Telle une mâchoire avide qui arrache la viande d'un os déjà blanchi par de multiples assauts, cette histoire dénude des faits qui préfèrent rester cachés. Vous ne voudriez pas, vous, que la lame de votre passé ne revienne couper les toutes jeunes ailes dans votre dos, si ?
La cliente recula, peu rassurée par la tirade de l'homme à la peau d'albâtre.
Witri rattrapa le coup :
- N'ayez pas peur mademoiselle, il ne sait parler que comme ça. Ce qu'il veut dire, en gros, c'est qu'on l'appelle ainsi à cause d'un incident dont il n'a pas envie de parler. Pour faire simple, disons qu'il a voulu arrêter une dispute, mais il a effrayé tout le monde et vidé le bar. Il ne supporte pas les moqueries et ...
- Si tu ne veux pas que je te l'impose par la force, je te conseille le silence Wit, siffla l'intéressé.
- Oui, oui, d'accord ...
- Mais ... il vient de vous menacer là ! C'est comme ça que vous réagissez ?
- Quoi ? Ah non ! Il est médecin, il se balade toujours avec des bandages. Il a juste la mauvaise habitude de s'en servir de bâillon quand il est torché. Allez savoir pourquoi ! Enfin vous craignez rien, ce n'est qu'une plaisanterie pour lui, et il ne s'en prend pas aux inconnus.
La femme préféra partir plutôt que de vérifier ses dires.
La pâtrone lui jeta un regard noir.
Il décida de commander pour deux ou trois avant de se faire trucider.

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L'épouvantail
CerpenNouvelle de la série quotidienne de "Écris donc !". Sujet du jour, l'épouvantail. Univers : Myroire Nouveaux personnages secondaires, nouveaux lieux - plus importants. Retrouvez la page de "Écris donc !" sur Facebook, pour écrire ou lire des nouvell...