La flamme chaude et dorée de cette bougie danse sous mes yeux. Ses mouvements gracieux, sa chaleur rassurante, mais dangereuse, son odeur piquante de brûlé, ses reflets mordorés et son crépitement étouffé, m'invitent à la contempler.
À contempler le mystère de cette beauté, aussi éphémère que la vie !
La vie, mais qu'est-ce ? Une suite de malheurs, entrecoupée d'espoirs inassouvis ? Non, me disais-je autrefois ! Mais maintenant, après tant d'années, suis-je toujours aussi naïve ? La naïveté est si agréable. Elle vous enveloppe dans un doux cocon de rêves. Malheureusement, à présent, je sais ce que nous réserve la vie.
Pour moi, ce ne fut qu'une longue et interminable chute vers le cloaque et les miasmes de la société. Abandonnée par ma famille, il a fallu que je me nourrisse et trouve du travail, seule. La chance me permit d'obtenir une place convenable dans une maison de bonne famille . Bien entendu, attirée par l'appât du gain, et la soif de la richesse je me mis à la recherche de plus.
Oui, de plus ! Je voulais plus! Je désirais des perles, des étoffes soyeuses, de la vaisselle en argent, de grands miroirs en or, de ravissantes aquarelles... En quelques mots, je désirais des pacotilles futiles et sans importance.
Ainsi de fil en aiguille, j'atteignis les bas- fonds, très sombre de notre monde, peut-être plus noir que la misère : le commerce de la chair, de la passion, de la luxure... Je n'étais plus une femme, mais une chose, adulée tout en étant méprisée, dont les délices avaient un prix faramineux. Je n'étais plus une femme à l'âme innocente et vierge, mais une prostituée.
N'ayons point peur des mots, ils ont chacun un sens précis, pourquoi ne pas les utiliser ? La raison est simple, après avoir effleurer de l'esprit la seule idée de ce mot, il se concrétise et prend vie dans toute sa vérité.
La vérité l'ai-je enfin atteinte en venant ici, dans ce cloître loin, très loin, du chemin que j'avais jusqu'ici emprunté ? Oui, me voilà, moi prostituée à chercher désespéramment le pardon et la miséricorde du Seigneur. N'est-ce pas pathétique, après de si nombreuses années de souillures, après avoir eu la vanité d'idolâtrer un dieu vicieux et inexistant, l'Argent ? Cet argent qui vous rend prêt à toutes les atrocités, et dont vous êtes l'esclave servile.
Mais aujourd'hui, je suis libérée de ce fardeau. Aujourd'hui jusqu'à la fin de ma vie, comme cette flamme, je brillerai dans mes prières et dans mes actions, d'un feu ardent, dans l'espoir d'un repentis, accepté par le Christ.

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Madeleine à la veilleuse
NouvellesLa méditation de la jeune femme du tableau de de la Tour.