La Petite Danseuse de quatorze ans : son modèle, Marie van Goethem

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   Je suis devant chez lui. Je suis arrivée 15 minutes à l'avance, de peur d'être en retard. Cependant, plus l'heure se rapproche, plus la boule dans mon ventre se resserre.

   J'ai peur. Peur de ce qui pourrait se passer. Peur de comment il est. Peur qu'il me renvoie, se rendant compte que je ne suis pas comme il le voulait.

   L'heure tourne. Je vois le temps s'écouler. Les secondes défilent une à une. Puis les minutes.

   Je panique.

   Je m'agenouille. Pose mes mains sur ma tête. Je suis aux bords des larmes. Mais je me retiens.

   Je reste ainsi quelques temps, puis je me relève et me positionne face à la porte. Je prends une grande respiration… et toque.

   J'attends. Le temps s'écoule très lentement. Après une minute qui en dure bien trois, une dame m'ouvre la porte. Elle est grande. Elle me domine d'environ une tête et demi. Malgré sa taille, et sa carrure plutôt forte, ses yeux montre une très grande gentillesse. De la chaleur peut s'y lire.

   Sans un mot, elle m'invite à rentrer, et je m'exécute. Le hall n'est pas très grand, il est mal éclairé et jonché de nombreux cartons et boîtes en bois. Dès que nous arrivons dans le salon, nous montons les escaliers se trouvant à notre gauche. C'est alors que se révèle à nous une pièce très lumineuse, sans aucunes cloisons, avec seulement de nombreux chevalets, toiles, essais de sculptures dispersés dans la pièce. Au milieu, là où la lumière est la plus puissante, trône une estrade de bois.

   Tout à coup, Monsieur Degas arrive, et trouble le silence à la fois pesant et agréable de la pièce. Il vient se placer devant l'estrade, où repose un chevalet. Voyant que je n'arrive pas, ils se retourne et me regarde d'un air plutôt énervé. Ne comprenant pas ce que je dois faire, je ne bouge pas. C'est alors qu'il me crie dessus, et qu'il m'ordonne de me dépêcher d'aller sur l'estrade. Je reste statique, dû à la peur qu'il vient de créer en moi. J'ai beau le voir de plus en plus énervé, cela me pétrifie plus, et je n'arrive pas à bouger.

   Je sens, soudainement, une main se poser sur mon épaule me disant "Ne t'inquiètes pas, tout va bien se passer". Je me retourne, et je vois la domestique me sourire pour me rassurer. Elle se baisse, et vient me chuchoter à l'oreille, que d'habitude, Monsieur Degas n'est pas comme ça. Elle m'explique qu'il s'est levé du mauvais pied, et qu'il a enchaîné les maladresses depuis ce matin.

   La domestique m'ayant rassurée, je me dirige vers l'estrade, et me tiens debout dessus. Monsieur Degas commence donc à m'expliquer la pose que je dois faire : les pieds formant la 4e position, avec une jambe devant, les mains derrière le dos, le buste dressé et la tête rejetée en arrière. J'essaie donc de reproduire les instructions, mais je peine. Monsieur Degas vient alors sur l'estrade pour corriger ma posture, et me dit que la prochaine fois, elle devra être reproduite parfaitement à l'identique.

   Il retourne donc à son chevalet, et je tiens la pose. Je me rends alors compte que c'est une pose de repos, je n'ai presque pas d'efforts à fournir contrairement à mes cours de danse.

    Monsieur Degas commence par faire de nombreux croquis de moi, déplaçant son chevalet ici et là. J'essaie à plusieurs reprises de regarder son travail, mais je n'y arrive pas, car il fait tout pour que je ne vois pas son travail : il n'aime pas qu'on regarde ses oeuvres lors de leur création.

   Fascinée par la grâce, l'application, l'implication et le perfectionnisme de Monsieur Degas, je ne vois pas le temps passer. C'est lorsqu'il part, que je me rends compte que la séance est terminée. Seulement, je ne m'en rends compte que 10 minutes après son départ. J'entreprends alors une recherche, après être descendue au rez-de-chaussée, de la domestique qui m'avait guidée jusque là. Je tenais à la remercier pour la gentillesse dont elle avait fait preuve envers moi. Ne la trouvant pas, je me dis qu'elle devait être occupée. Je décide alors de rentrer à la maison afin de me préparer pour le ballet de ce soir.

   Sur le chemin de la maison, je repense à cette première séance avec Degas. J'avais certes déjà posé pour lui, mais je n'étais pas seule, il y avait mes camarades de danse. Il venait peindre notre classe durant nos cours. Cependant, poser seul pour lui est différent. Il peut avoir le contrôle sur son modèle, tandis que lorsqu'il peint lors de cours de danse, il ne peut se permettre d'exercer son contrôle sur les modèles. Lorsqu'il me peignait, il paraissait très sévère et aigri, néanmoins, il n'en paraissait pas moins passionné. Une onde de satisfaction et d'éréthisme dissimulé émanait de lui.

    Malgré ces petits éléments, cette séance était agréable, et reposante. J'espère pouvoir continuer de poser pour lui jusqu'à ce que son oeuvre soit terminée. J'aimerais pouvoir admirer le résultat de son dur labeur.

C'est une fiction que j'ai réalisée pour un dossier de Français sur le livre de Camille Laurens, parlant de la statue la Petite Danseuse de quatorze ans d'Edgar Degas.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 02, 2020 ⏰

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