Prologue

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Amanda courrait à en perdre haleine, ses poumons la brûlant, son sang battant cruellement à ses tempes, ses jambes la suppliant de cesser cette cavalcade. La chaleur écrasante de la fin d'après-midi égyptienne rendait sa course particulièrement éprouvante, mais elle ne pouvait s'arrêter. Elle savait que si elle venait à le faire, ou à ralentir le rythme, ils la rattraperaient.

A travers les rues, elle slalomait entre les hères qui déambulaient sans se douter de ce qui se tramait. Certains la regardaient avec curiosité, d'autres lâchaient en langue arabe, ou en anglais parfois, un mot qu'elle n'avait pas le temps de saisir. Il fallait dire qu'elle n'avait pas réellement le temps de s'en soucier.

Elle se risqua à jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Ses poursuivants gagnaient du terrain. Sa main se crispa sur la sangle de sa sacoche. Il lui fallait absolument trouver un moyen pour sortir de leur champ de vision. Elle repéra l'entrée d'une allée marchande, un peu plus loin, et fit un effort quasi surhumain pour tenter d'accélérer le pas.

Elle bifurqua et pénétra dans le marché, entre les étals de marchandises toutes plus variées les unes que les autres. Elle se glissa furtivement au milieu de la marée humaine et lança un coup d'œil vers l'entrée. Elle les vit arriver, toisant la foule, la recherchant du regard au cœur de la cohue.

Heureusement pour elle, elle était de petite taille et cela lui offrait l'avantage du terrain, la plupart des gens la dépassant d'au moins une tête. Mais ça ne la sauverait pas pour autant. Ce n'était qu'un maigre gain de temps. A l'entrée, ils se séparaient déjà pour trianguler le secteur.

La jeune femme, tâchant de reprendre son souffle, regarda en tous sens, cherchant une échappatoire. Elle repéra un marchand de tissus, et se précipita vers son étal. Elle ne comprenait rien à l'araméen – son traducteur étant désormais un souvenir lointain – et se contenta de lui désigner un foulard rouge, avec des motifs dorés.

Elle ne laissa pas le gaillard discuter, lui tendant une liasse de billets (sûrement beaucoup plus que le prix de l'étoffe) et vit son regard s'illuminer d'une lueur cupide. Il s'empara avidement de l'argent et lui passa l'objet convoité.

Elle se dépêcha de s'en vêtir, se cachant à nouveau dans la foule, qu'elle traversa sans se retourner. Elle profita d'un groupe qui marchait vers l'entrée pour tenter de repartir. A un moment, son cœur s'arrêta car elle se retrouvait à moins de trois mètres d'un de ses poursuivants, mais il regardait de l'autre côté.

Réussissant ainsi à sortir du bazar, elle lança à nouveau des regards tout autour d'elle. Il ne semblait plus y avoir de personne à sa poursuite. Ils devaient tous être en train de ratiboiser le marché. Poussant un demi-soupir de soulagement, elle repartit en trottinant, ignorant la douleur de ses jambes.

Elle venait de les semer, mais elle savait qu'ils finiraient par la retrouver, quoi qu'il arrive. Ce n'était pas un problème. Avec le temps, elle avait pu se faire à cette idée. Elle savait qu'elle ne s'en sortirait probablement pas.

Pas cette fois.

Elle était résignée, mais il lui fallait absolument terminer ce qu'elle avait commencé. Elle devait faire en sorte que quelqu'un reprenne le flambeau. Que quelqu'un sache pourquoi elle allait disparaitre à jamais de ce monde, et remonte jusqu'à la source. Pour la venger, elle et son équipe.

Longeant les rues, elle finit par trouver ce qu'elle cherchait. Elle trouva un petit bureau de poste et sauta sur l'occasion. Elle réussit par miracle à communiquer avec le guichetier, qui balbutiait un anglais suffisant pour comprendre les touristes, et lui demanda de faire un coli fragile.

Il alla fouiller dans l'arrière-boutique pour dénicher une boîte pendant que la jeune femme sortait de sa sacoche de voyage un vieux stylo pas mal abimé. Avec un soupir, elle le dévissa et en extirpa la carte mémoire. Il s'agissait en réalité d'une caméra-espion.

Doutant de la douceur des conditions de voyage de l'objet, elle le revissa, puis chercha son portefeuille et en tira une carte de visite qui indiquait :

Amanda K. Walsh,

Agent de terrain

Donovan's Old Collections Society

A l'aide du stylo, qui fonctionnait réellement, elle griffonna quelque chose à son dos, puis plongea une fois encore la main dans la sacoche pour en extraire, cette fois-ci, une sorte de broche pour vêtement finement ouvragée. Elle représentait un K, au centre d'un cercle composé de deux rameaux d'oliviers.

Elle toisa l'objet avec mépris, ses mâchoires se contractant de fureur, et le jeta dans la boîte que l'homme venait de lui ramener avec le stylo et la carte de visite. Elle referma le couvercle et inscrivit les coordonnées sur les cases prévues à cet effet.

L'adresse, elle la connaissait par cœur. C'était celle qu'on lui avait communiquée dans le dernier message de la direction générale de la DOCS.

Celle de la détective Jessica Ferguson, à son bureau d'Edimbourg.

Pourquoi cette personne ? Le communiqué avait été très laconique à ce sujet. Mais elle n'avait plus le temps de se poser de question. Elle paya et regarda le coli rejoindre l'arrière-boutique. Elle priait en cet instant pour qu'il parvienne bien à destination. Sinon, tout cela aurait été vain.

Elle sortit du bureau de poste, méfiante, et se glissa à nouveau dans la foule. Elle se demandait combien de temps encore elle parviendrait à leur échapper. Hélas, la réponse lui paraissait suffisamment claire.

Pas assez longtemps.

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