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Un éclair fendit le ciel tandis que le véhicule noir – une vieillerie des années quatre-vingts roulant encore à la perfection – se stoppait devant la grille de la propriété de Gregory Square, perdue au centre de l'île de Skye, en Ecosse.

La femme qui était au volant fit deux appels de phares à l'attention d'une personne qui attendait, sous le perron de la maison prise dans un rideau de pluie diluvienne, à l'abri de l'avant-toit.

Déployant un parapluie, il se risqua en courant sous le déluge et vint libérer le passage. La voiture entra dans la cour détrempée tandis qu'il refermait derrière elle avant de rejoindre toujours au pas de course la protection du manoir McGregor.

De son côté, la femme se parqua le plus près possible des marches menant à la porte d'entrée et sortit en trombe de l'habitacle de l'automobile, une serviette sous le bras, poussant un juron tonitruant en se retrouvant sous les flots du ciel.

L'homme s'était déjà mis au sec dans le vestibule et fut rejoint un instant à peine plus tard par la femme.

-        Ah mais bordel, quel temps de chiotte ! s'exclama Jessica Ferguson en se débarrassant d'un geste ample de son imperméable dégoulinant, le jetant sur le portemanteau.

Elle retira son chapeau mou pour le lancer dédaigneusement au même endroit tout en passant une main dans ses cheveux bruns coupés mi-longs.

-        Je ne vous le fais pas dire, répondit Gabriel McGregor en déposant le parapluie dans son seau près de la porte. Et ce n'est pas près de s'arranger. La météo dit qu'on est au cœur d'une bonne vieille tempête de l'Atlantic-Nord, on va avoir quelques jours peu agréables.

Il se gratta la tête et fut contrarié de constater qu'avec l'humidité et les quelques gouttes tombées sur son cuir chevelu en dépit du parapluie, ses cheveux auburn commençaient à nouveau à se rebeller en bouclant légèrement.

-        Dieu bénisse notre belle Ecosse, fit sarcastiquement Jessica en levant les yeux au ciel.

Sans vraiment demander la permission au maître des lieux, elle se dirigea vers l'aile droite du manoir, où se trouvait le salon et où crépitait un superbe feu dans la cheminée.

Elle s'approcha du foyer en tendant les mains pour se réchauffer – ça avait beau être le début de l'été, il faisait un froid épouvantable ces derniers jours – et jeta un œil au tartan du clan McGregor suspendu au manteau de l'âtre.

Lorsque Gabriel la rejoignit, un instant plus tard, avec un plateau sur lequel étaient disposées théière, tasses et assiette de biscuits, elle demanda avec plus de sympathie en se tournant vers lui :

-        Et sinon, comment vas-tu, p'tit ? Depuis le temps, ça va faire quoi ? quatre mois ?

-        Comme vous voyez, ça ne va pas trop mal, répondit Gabriel en servant l'Earl Grey fumant.

Jessica s'approcha et se laissa choir sur le canapé en face du foyer, acceptant sans se faire prier la tasse que le jeune homme lui tendait.

-        Ton épaule te fait toujours mal ? interrogea-t-elle encore en remarquant qu'il n'avait pas allongé complètement le bras pour la lui donner et avait eu un tic facial de douleur.

-        Ça va de mieux en mieux, mais certains jours, ça me tire encore un peu, admit-il avec un pâle sourire.

-        Ce sont des blessures qui peuvent mettre beaucoup de temps à se remettre, rappela la trentenaire en prenant une grande gorgée.

Gabriel s'assit dans le fauteuil en face d'elle en silence tandis que tous deux se remémoraient instinctivement des terribles circonstances dans lesquels le jeune homme avait été blessé.

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