Chapitre 1

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Geralt se laissa glisser de la selle plus qu'autre chose. Il en avait assez de sa journée. Longue et ennuyeuse. Il avait envie d'empocher sa paye, de prendre quelques bières, et de dormir. Il refusait d'admettre que son ennui était aussi dû à l'absence prolongée de Yennefer. Il l'avait laissée en pensant la revoir deux mois plus tard, mais elle ne s'était pas montrée au rendez-vous, et n'avait pas daigné lui envoyer un message. Six mois après, toujours aucune nouvelle, il commençait à s'inquiéter.

Il récupéra la patte de loup-garou dans la sacoche d'Ablette. Il avait pris soin de la recouvrir d'un tissu, pour cacher ce que c'était, mais le sang l'avait tâché. Les quelques personnes qui passaient dans la rue s'éloignèrent prudemment en voyant ça. Tant mieux. Il avait du mal à supporter les gens ces temps-ci.

Il toqua à la porte. On ne mit pas longtemps à lui ouvrir. Une femme, la cinquantaine, la mère. Il réalisa qu'il devait annoncer à cette femme que son fils était mort, décapité par ses soins. Les loups-garous étaient toujours un brin compliqués à traiter, comme affaires, surtout quand la famille était impliquée.

— Oh..., fit la paysanne en le reconnaissant.

Elle baissa les yeux sur ce qu'il tenait. Ses yeux se remplirent de larmes. Elle lui claqua la porte au nez. Il entendit qu'elle cherchait à l'intérieur, aussi patienta-t-il. Elle lui rouvrit bientôt, lui jetant, presque, les pièces au visage, puis referma la porte. Il capta ses sanglots.

Pour ajouter à sa morosité habituelle, voilà qu'il causait du chagrin. Cela ne changeait pas de sa vie, mais en temps normal, il pouvait voir Yen, lui parler, se rappeler qu'il y avait du bon dans ce qu'il faisait.

Il regarda le tissu ensanglanté. Qu'est-ce qu'il allait en faire ? Il était dans les quartiers pauvres de la ville, en dehors des murailles. Il chercha un endroit où il pouvait laisser cette chose sans que d'autres ne la trouvent. Avisant des enfants qui jouaient, non loin, il se dit qu'il valait mieux qu'il s'en débarrasse dans un coin moins fréquenté.

Il remit la patte dans la sacoche et remonta en selle. Il n'eut pas à parcourir les rues pendant longtemps pour être attiré par un bruit. Des bandits, pensa-t-il. Il avait envie d'un peu d'action. De se sentir vivant. Aussi, contre tous ses principes, il tira la bride d'Ablette et se dirigea vers les voix.

— Arrête de parler ! s'énervait un des bandits. On ne te demande pas ton avis. Tu vas nous aider, et...

— Et quoi ? demanda Geralt.

Il descendit d'Ablette. Les bandits se révélaient être des bourgeois. Des pourpoints bien trop propres pour être issus de ces quartiers, des bottes à peine usées, et l'un d'eux avait même une bague. Ce qui le surpris le plus fut le fait d'apercevoir Jaskier derrière eux.

— Ah, Geralt, mon cher ami ! s'exclama ce dernier, d'un ton qui laissait supposer que toute cette situation était parfaitement normale.

— Geralt ? Le sorceleur de tes ballades ? demanda l'un des bourgeois en plissant les yeux.

— Effectivement. Maintenant, si vous voulez bien, j'aimerais m'entretenir avec...

Jaskier n'alla pas plus loin dans sa phrase : le type qui portait une bague lui décrocha une claque, l'envoyant pratiquement au sol.

— On t'a dit d'arrêter de parler.

— Et moi je vous dis que vous allez partir, déclara calmement Geralt.

Connaissant Jaskier, il avait dû se mettre dans un pétrin plus gros que lui, et il ne devait qu'à sa chance de ne pas être déjà ligoté dans une cave.

Une balladeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant