Brouillard

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"Courir, c'était la seule chose auquel je pensais, fuir toujours plus vite, toujours plus loin. Je serrais plus fort sa main, il se retourna, vérifia que l'on continuait à nous suivre. Il me lança un regard apeuré et commença à courir plus vite, sans me lâcher. Nous courions entre les arbres, accélérant à chaque coup de feu. Soudain, notre fuite prit fin, au bord d'une falaise. Mon petit ami se tourna vers moi et me prit dans ses bras.

— Ne t'inquiètes pas. me dit-il.

Je sentais son cœur battre contre ma poitrine, le mien était encore plus rapide. Je tremblais et m'autorisais à pleurer. J'entendis les pas de cet homme, il se rapprochait. Mon copain me serra plus fort contre lui. Puis un autre coup de feu retentit. Alex s'écroula, tomba de la falaise. Ensuite, je ne me souvenais que de mes cris, d'un second coup de feu, de mon corps qui me lâchait allant rejoindre mon petit ami dans le ravin. Depuis, juste du silence et de l'obscurité. Mais dans ma tête, mes hurlements et ces coups de feu de cessent de devenir de plus en plus fort."

— Voilà tout ce dont je me souviens, Mr Green.

Son psy lui lança un autre regards tristes, un de ceux où l'on peut clairement lire la pitié. Il prit une profonde inspiration.

— Bien, nous avons suffisamment travaillés pour aujourd'hui Mlle Jones. Vous avez fait du bon boulot, vous commencez à vous souvenir de tous les détails de l'incident. Vendredi nous recommencerons à tracer le fil constructeur de ce désastreux récit, d'ici là essayer de vous remémorer le plus d'information qui pourrait vous aider.

— Combien de fois vais-je devoir de souvenir de cet enfer. ça y était, elle craquait.

Prise d'une autre crise psychotique, elle commençait à arracher ses cheveux et à se balancer d'avant en arrière sur ce fichu fauteuil. Mr Green s'approcha d'elle et posa une main voulue protectrice sur le genou de la jeune femme.

— Mlle Jones, calmez-vous. Vous êtes plus forte que ça.

Aussi stupide que fut cet homme, il avait le don d'être apaisant. Sa patiente se calmait et finissait par laisser ses cheveux tranquilles. Mr Green la laissa reprendre ses esprits avant de lui prescrire d'autre médicaments contre le stresse post-traumatique. Elle jeta un regard à son ordonnance illisible, le remerciait et disparu.


Claquant la porte derrière elle, Avryl tombait sur sa mère ; inquiète.

— Mon ange. Où étais-tu ? Je me suis fait un sang d'encre en ton absence !

— Je suis passée à la pharmacie. dit-elle en montant au premier étage, s'enfermer dans la salle de bain.

La pièce d'un blanc immaculé était un refuge pour Avryl, étant le seul endroit de sa maison possédant un verrou. Elle posait ce fichu sac plastique sur le rebord du lavabo avant de passer de l'eau glacée sur mon visage avant de regarder son reflet dans le miroir. Sous la lumière jaune des néons elle découvrit une nouvelle femme. Elle avait tellement changé... ses cheveux habituellement bouclés et flamboyant d'un roux éclatant étaient devenus gras, bruns, ternes et il était dorénavant impossible d'y glisser une brosse. Elle toucha son visage, elle avait du mal à se reconnaître. Etait-ce bien elle ? Ses tâches de rousseurs avaient disparu, laissant place à des plaques rougeâtres, des poches bleutées étaient apparus sous ses yeux bruns clair : vide d'expression la plupart du temps mais où parfois on pouvait lire la peur. Avryl caressa les creux de ses joues, ses pommettes saillantes. Elle remarqua alors l'horreur frêle qu'étaient ses mains, ses longs doigts squelettiques. Elle avait perdu une vingtaine de kilos, ses épaules étaient maintenant menues et pointus décoré d'un trou cicatrisant : souvenir de l'impact d'une balle ; ses côtes apparentes, son thorax creux. Son physique athlétique lui manquait. Elle repassa de l'eau sur son visage, ferma les yeux un instant puis soudainement les images de son enfer lui réapparurent : cette falaise, cette chute, ses hurlements et se coups de feu ressurgissant à chaque fois qu'elle s'y attentait le moins.

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