Les ailes

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Mal. Elle avait mal. La douleur courait tout le long de son corps, prenant place dans chacune de ses articulations, pour se rejoindre à un point névralgique : le milieu de son dos. Là, de nouveaux organes poussaient peu à peu. La peau se gonflait, se distendait, de nouvelles vertèbres poussaient, et ce n'était que douleur.

Cela faisait sept jours que ça durait. Et alors que Hana s'accrochait désespérément à son lit, le corps perlé de sueur, suppliant pour un peu de paix, l'impensable se produisit : la douleur explosa en une gerbe de souffrance telles des milliers de fourmis courant sous sa peau, et de la bosse au milieu de son dos naquirent deux ailes bleues et argentées qui battaient furieusement. Hana se sentit s'envoler malgré elle, renversant le lustre et fouettant le mur qui s'effrita sous le coup. Peu à peu, le lit s'éloignait et elle se mit à crier, tirant la couverture pour tenter de se raccrocher à quelque chose.

Tout à coup, ses ailes cessèrent de se mouvoir. Elle se rétractèrent, reprenant leur place initiale dans le dos de la jeune adolescente, et celle-ci lévita stupidement pendant une seconde avant de s'écrouler tout à coup. Elle tomba raide sur le lit qui craqua sous son poids et elle resta ainsi un long moment, le souffle coupé, le corps délivré de toute souffrance.

Aussi loin qu'elle s'en souvenait, Hana avait toujours été différente.Elle avait des traits similaires à n'importe quelle autre japonaise : les cheveux noirs et raides, les yeux bridés, la peau pâle, la taille moyenne. Mais la plupart des gens la fuyaient, incapables de créer un lien avec elle. Il fallait dire aussi que d'étranges événements se passaient autour d'elle : quand elle était triste, il se mettait à pleuvoir ; quand elle était en colère, le vent soufflait comme s'il était enragé ; un jour de camping, elle avait réussi à créer du feu de manière inexplicable. On disait que le jour où on l'avait retrouvée devant l'orphelinat, il pleuvait tellement qu'une partie de la ville avait failli être inondée.

La seule personne qui ne la fuyait pas était Mick. Depuis qu'elle était bébé, Hana vivait à l'orphelinat, et cet homme, qui avait dix-sept ans de plus qu'elle, était son ami, son protecteur et son conseiller. Il avait changé ses couches, lui avait appris à marcher puis à faire du vélo, l'avait calmée lors de ses caprices malgré les tempêtes et les orages, et était parvenu à persuader tout le monde de la garder à l'orphelinat. Il ne cessait de dire qu'un jour, il l'emmènerait là où était réellement sa place. Ce jour-là serait celui de ses quinze ans. Or, Hana avait eu quinze ans le 2 août. On était le neuf et ses ailes avaient poussé.

Alors qu'elle se retournait difficilement sur le matelas, grimaçant au contact des draps moites de sueur, Hana entendit des pas dans le couloir, bientôt suivi par le grincement de la porte de sa chambre. Un sourire étira ses lèvres tandis qu'elle s'asseyait au bord de son lit. Mick venait lui rendre visite.

 Ce que Hana savait de source sûre, c'était que des sorciers, des loups-garous et des vampires se cachaient dans pleins de petits villages, sur Terre. Elle avait sympathisé avec certains d'entre eux, mais même là, elle ne s'était pas sentie à son aise. Mick lui avait dit qu'ils appartenaient à un autre monde, tout les deux, et même un autre univers, composé de neuf planètes peuplées de fées, de magiciens, de sorciers, et de pleins d'autres créatures encore. Jusque là, elle ne l'avait pas vraiment cru. Mais il était temps de se rendre à l'évidence : si elle avait des ailes,elle était donc une fée. Si elle était une fée, elle venait de cet autre univers.

Sans doute était-il temps pour elle de s'y rendre.

HanaWhere stories live. Discover now