Chapitre 2.

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-Mani, je suis rentré !

-Je sais, tout l'immeuble t'a entendu monter les escaliers !

Victor lève les yeux au ciel tout en se déchaussant, puis s'affale à côté de sa mère sur le vieux canapé.

-Alors, cet entretien ?

Il sourit.

-Je commence demain. La patronne est... particulière, mais vraiment trop cool, même si je suis sûr qu'elle a tenu une maison close dans une vie antérieure. Et, comme mon dernier tirage me l'avait annoncé, j'ai un bon pressentiment vis-à-vis de ma collègue. Je sens que je vais m'amuser avec elle.

-Vic...

-J'ai dit avec elle, pas à ses dépends ! T'inquiète, Mani, c'est mon premier boulot, j'ai pas envie de tout gâcher.

La quarantenaire soupire profondément.

-D'accord. Mais évite de te précipiter, surtout.

-Je sais, je sais, arrête de répéter mot pour mot ce qu'a dit ton oracle.

-Je veux simplement...

-Nini !

Le jeune homme se précipite sur la petite chatte noire aux yeux endormis qui sort à pas hésitants du couloir ; un miaulement aigu pour le saluer, et elle se retrouve dans ses bras, les griffes enfoncées dans le col de son tee-shirt violet.

Magnolia ne prend pas la peine de réprimer un profond soupir en regardant, impuissante, son fils s'enfermer dans sa chambre avec le chaton.

De toute manière, il a hérité de son aptitude à mettre les conseils avisés en sourdine.

Victor ferme la porte derrière lui avant de se laisser tomber sur son lit. Nymphéa s'accroche plus fermement à son vêtement, appréciant moyennement une chute aussi brutale.

Il sourit.

-Tu sais que je t'aime, hein, Nini ? Je t'aime fort, tu es la plus mignonne de toutes les chatounes, tu es l'amour de ma vie, je t'aime autant que tu aimes ta pâtée, et quand tu seras grande, je serai la barrière entre les vilains mâles et toi, parce que tu sais, ils voudront juste tirer leur coup. Toi, ma Nini... toi tu mérites le grand amour. Et personne ne peut t'aimer autant que moi : rappelle-toi, ton papa est le seul qui sera toujours à tes côtés.

Nymphéa le regarde simplement, ne comprenant pas un traître mot de ce qu'il raconte ; et lui a envie de rire, parce que sa tirade est plutôt cocasse venant d'un type dont le géniteur s'est barré cinq ans après sa naissance.

Il soupire, sans intention particulière, parce que les soupirs n'ont pas forcément d'intention ; cette fois, c'est simplement un soupir d'habitude, le genre de soupir qu'on fait quand on passe d'une pensée à l'autre, quand notre respiration reprend son cours habituel.

Le jeune homme se penche légèrement vers la droite, la main soutenant machinalement son chaton, et prend Le passage de la nuit de Haruki Murakami, qui jusque là était sagement posé par terre. Il l'ouvre, rattrape de justesse le marque-page désireux de s'enfuir, et se racle la gorge.

Puis il se met à lire à haute voix, il fait la lecture au petit être roulé en boule sur sa poitrine comme tout père le ferait à son enfant.

Sa mère se moque de lui à chaque fois qu'elle le surprend à agir ainsi, mais il estime qu'une personne qui allait jusqu'à dessiner une histoire entière par jour pour le divertir jusqu'à ses dix ans n'a rien à dire.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 08, 2020 ⏰

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