« On se lève, les marmottes ! »
C'était Lola, une des gouvernantes de l'orphelinat, qui venait réveiller les enfants pour la journée des visites. Louise ne voulait pas se lever, elle savait cet évènement inutile. Du haut de ses six ans, elle venait à peine d'intégrer cet établissement censé lui donner un espoir d'être adoptée. Pourtant, c'était déjà peine perdue, les gens ne viennent chercher que de très jeunes enfants et Louise, pourtant petite, avait passé l'âge. La fillette resassait encore la mort de ses parents. Deux mois plus tôt, un incendie avait ravagé la maison familiale alors que Louise était à la danse, un hobby qui lui avait pris quand, âgée de quatre ans, elle était allée voir une représentation du Lac des cygnes. Plus elle y pensait, plus elle se disait qu'elle n'aurait jamais l'occasion de prendre la place de la danseuse si gracieuse qui parcourait la scène dans un florilège de mouvements complexes. Car si la petite avait l'étoffe d'endosser un jour ce rôle, elle ne le pourrait pas sans s'entrainer dès son plus jeune âge. Malheureusement pour Louise, le seul loisir que l'orphelinat pouvait s'offrir était l'école, dispensée dans l'unique bâtiment. La fillette relativisait néanmoins : elle serait incapable de reprendre la danse, qui l'avait empêchée de dire adieu à ses parents. Elle se disait aussi que, peut-être, ils ne seraient pas morts si elle avait été chez elle. Car ce que les policiers, qui avaient mis l'accident sur le compte d'une malheureuse cigarette restée allumée, c'est qu'aucun des défunts ne fumait. Une question trottait donc dans la tête de leur progéniture : qui avait tué ses parents et pourquoi ? Et surtout, pourquoi on lui cachait une telle chose ?
La petite fille menait donc l'enquête seule, avec pour seul avantage le fait que personne ne sache qu'elle avait appris à lire prématurément, lui laissant l'espoir d'avoir accès aux documents qu'elle cherchait plus facilement.« Louise ! Debout ! »
Après le troisième appel de Lola, la fillette se leva enfin, lasse d'une routine dont elle ne voulait pas. Comme à chaque journée de ce genre, elle resta assise dans un coin de la salle. Ce jour-là, cinq enfants furent pris en période d'essai. Pas elle, ce qui n'était pas pour la surprendre. Lola avait bien essayé de venir la voir, de lui dire d'être plus souriante, que ça inciterait les gens à venir lui parler, mais Louise ne pouvait pas faire semblant, sa morosité était trop forte.
Trois jours plus tard, de meilleure humeur, elle essaya d'avoir l'air heureuse, émotion qu'elle n'avait pas ressentie depuis plus de deux mois. Alors qu'une femme âgée s'approchait d'elle, Louise tenta de faire impasse sur le fait qu'elle n'avait toujours pas avancé sur son enquête. Alors que ses joues devenaient douloureuses à cause de son sourire coincé, la visiteuse arriva enfin au niveau de la fillette.
- Bonjour ma petite.
- Bonjour.
- Tu m'as l'air grande pour être à l'orphelinat. Tu as quel âge ?
- Six ans.
- C'est bien comme âge six ans. Tu es ici depuis longtemps ?
- Deux mois.
- Oh je suis désolée pour toi ma chérie. Tu sais, ce sont des choses qui arrivent et c'est très triste. Mais c'est la vie pas vrai ? C'est ce qu'aurait dit mon mari. Il t'aurait adorée.
- C'est vrai ? Mais je suis trop vielle, le gens ils veulent des tous petits bébés.
- Et moi regarde comme je suis vieille. Je n'ai plus l'énergie de m'occuper d'un bébé. Tu pourrais me dire à qui on s'adresse pour prendre un enfant en période d'essai ?
Sans crier gare, Louise la prit dans ses bras. Après deux longs mois, elle retrouvait enfin de l'espoir. Elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire, euphorique, tout en indiquant à la femme le chemin vers le bureau de la directrice. Lorsqu'on lui demanda de rester en dehors de la salle, la petite se souvint d'un conseil de Mehdi, un garçonnet qui s'était fait adopter depuis. Il avait repéré un endroit d'où on pouvait entendre ce qui se disait dans ce qu'il appelait ''le bureau de la terreur'', rapport au fait que le destin de tous les pensionnaires de l'établissement se jouait au sein de cette pièce. Alors, discrètement, Louise se glissa derrière un buisson, se pencha pour entrer dans le pan de mur abîmé par le temps et les guerres. Après s'être justifiée de cette intrusion auprès des deux enfants qui y étaient déjà réfugiés pour éviter la torture d'une autre journée des visites - et comme elle les comprenait -, elle put enfin entendre ce qui se disait entre sa future tutrice et la puissante, effrayante directrice.
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Just dance - TERMINEE
RandomQuand une vielle femme adopte la petite Louise, six ans, la fillette se dit qu'elle est enfin sortie du pétrin dans lequel elle était depuis la mort prétendue accidentelle de ses parents. Pourtant, quand sa nouvelle tutrice est aussi assassinée quel...