Deux Épées contre le Mal : tome 1

Chapitre 2 : Une Lettre Imprévue

Un marteau s'abattait sur une longue lame rougie par le feu. La chaleur était intense dans la pièce, si bien que les deux hommes qui travaillaient luisaient de sueur. Des marques de brûlure maculaient la peau de leurs bras, mais ils ne semblaient pas en souffrir.

Le plus vieil homme sortit une épée du feu. Elle était éblouissante, en fusion, mais le forgeron savait très bien qu'elle était d'une fragilité sans pareille. Il la trempa dans un tonneau d'eau qui refroidit brusquement l'acier, de la fumée s'évapora dans les airs. L'homme connaissait son métier sur le bout des doigts, si bien qu'il ne réfléchissait plus lorsqu'il commençait son travail. La trempe, le revenu, toutes ces étapes nécessaires à la fabrication d'une bonne lame étaient devenues des opérations évidentes pour lui. Et tout cela, il l'apprenait à celui qui le remplacerait quand il aurait quitté ce monde.

Jaden se servait de son marteau sur une belle lame d'acier posée sur l'enclume de la forge. Ses traits étaient déformés par la concentration, des gouttes de transpiration coulaient le long de ses tempes. Ses bras, rougis par la chaleur, se contractaient sous l'effort. Il pensait à son petit-frère, chez lui, qui l'attendait patiemment. Ce travail, il l'exerçait pour lui, pour le maintenir en vie. Ce n'était pas une mince affaire de survivre quand on était pauvre, et encore moins quand la famille n'était plus là pour assurer les besoins manquants. L'argent, c'était à Jaden de le gagner, ou ils ne survivraient pas à l'hiver. C'était à lui d'aller chasser les lapins dans la forêt, car même si son frère était motivé pour aider, il était bien trop jeune pour s'aventurer si loin et se mettre en danger. Le danger, il était partout, dans cette vie.

« Tu t'améliores, Jaden. Bientôt, tu seras aussi doué que moi. »

Le forgeron Baelhor avait toujours été légèrement prétentieux. Il était également parfois froid et distant vis-à-vis de Jaden. C'était son caractère. En revanche, Baelhor se montrait souvent serviable. C'était l'une de ses qualités.

« Comment va ton frère ? demanda-t-il en se remettant au travail.

— Très bien. Il est un peu nostalgique, ces derniers temps. C'est compréhensible, cette semaine, cela fera sept ans que nous avons dû partir. »

Il y avait sept ans, alors que Jaden et son petit-frère Sorick se trouvaient dans leur chambre, des Hommes des Montagnes s'étaient introduits dans leur village. La mère de Jaden les avait rejoints et lui avait ordonné d'emmener son petit-frère le plus loin possible afin de le protéger. Jaden avait tenu sa parole, mais quand ils revinrent quelques heures plus tard, leur foyer avait été entièrement massacré, ainsi que leur famille. Il avait enterré ses parents, puis, après avoir longuement pleuré, ils avaient décidé de rejoindre le village le plus proche. Baelhor les avait alors recueillis chez lui le temps que Jaden leur construise une petite maison. Il avait réussi, bien entendu, il réussissait tout ce qu'il entreprenait. Baelhor avait par la suite proposé à Jaden de lui confier le travail d'apprenti forgeron, ce que ce dernier accepta sans hésiter. Il avait besoin d'argent pour survivre, malgré ses capacités de chasseur.

« Va le rejoindre, Jaden. Je m'occupe de finir, proposa alors Baelhor.

— Ce n'est pas la peine, j'ai bientôt terminé, répondit Jaden en frappant de nouveau sur l'enclume.

— Non. Je pense que ton frère a besoin de toi. »

Jaden l'observa longuement avant de hocher la tête pour le remercier. Il posa son marteau à côté de la lame en fusion et se dirigea vers la sortie de la forge. Baelhor lui donna une tape sur l'épaule en signe de soutien et il s'en alla.

Il n'y avait pas de soleil en cette fin d'après-midi d'automne. Les nuages gris dominaient le ciel, mais il ne pleuvait pas. Pas encore, du moins. Les habitants étaient actifs, chacun travaillant dans son domaine de prédilection, d'autres derrière leur stand à vendre leurs fruits et leurs légumes. Jaden passa devant la devanture d'un marchand de savons qui installait ses produits avec un grand perfectionnisme, tandis que la commerçante d'à côté ne faisait preuve d'aucune organisation. Des enfants s'amusaient autour d'une fontaine de pierre, se battant entre eux avec des épées de bois. Jaden sourit à cette vision : ils lui rappelaient l'époque où il n'était qu'un enfant et où il jouait à longueur de journée avec ses amis, sous le regard insistant de sa mère qui n'arrêtait pas de le réprimander, la peur au ventre qu'il blesse quelqu'un. Il se rappela sa voix délicate malgré sa colère. Un souvenir qu'il perdait au fil des années.