Kids in love

Make it right

Heure -4

Je ne sais pas vraiment quoi faire. La douceur amère du papier s'ancre dans mes doigts aussi lourdement qu'une pomme en or. L'encre noir-ébène sur la page blanche comme la neige s'imprime en moi comme une alarme rouge sang ne cessant de retentir inlassablement. Pourtant, ces mots, ces phrases, cette lettre, c'est un plan pour mon avenir, alors comment est-ce possible que je sois aussi perdu qu'un homme en pleine mer.

Heure -3

Je vadrouille, je roule, je tourne en rond, errant sur les routes, cherchant la bonne voie, depuis des heures et des heures, les yeux fuyants, le cœur battant, l'angoisse aux tripes, les doigts tapotant nerveusement le volant. Je fais miroiter l'illusion, je roule pour rallonger la mèche. Je sais que l'explosion éteindra la flamme, cachera les larmes, blessera son âme. Lui dire, c'est pas possible alors, je vadrouille.

Heure -2

Je pose pieds à terre, redécouvrant ce parc à enfants où nous avions l'habitude de nous retrouver ces soirs d'été. Je m'allonge dans l'herbe jusqu'à ce que le lampadaire qui me surplombe soit aussi haut qu'un phare. J'attends peut-être qu'il m'éclaircisse une nouvelle fois. Je ferme les yeux. S'il vous plaît, dessine-moi une cascade aussi dorée que ses cheveux, l'étendue infinie de la mer aussi bleue que ses yeux, l'éclat incandescent du soleil du pacifique aussi chaud que ses bras, la brume cotonneuse des vagues de la plage aussi douce que sa voix. Et je me relève, et je me grandis, et mes yeux s'ouvrent et les souvenirs s'éteignent comme la flamme d'une bougie sur laquelle on vient de souffler.

Heure -1

Mon portable scintille, mes yeux pétillent, mes doigts fourmillent d'impatience. Mais ce n'est que mon père qui m'a répondu. J'attends vainement un message comme venu des cieux ou juste l'approbation inespérée de ma mère à mille lieux. Mère m'est comme l'étoile du berger dans un ciel empyrée ; mes mots ne semblent l'atteindre, elle qui à des années-lumière, se situe si loin de moi. J'ai toujours espéré d'elle qu'une bonne étoile elle devienne, mais au final d'elle je n'ai perçu que les yeux vifs d'une reine à l'instar du rayonnement chaleureux qui émane d'une étoile céruléenne.

Heure H

D'instinct elle accoure vers moi après avoir entendu le son de mes pas. L'habitude nous mène au parc. Ses cheveux dégagent le parfum d'une rose, sa main me réchauffe avec candeur, ses lèvres me laissent un goût sucré sur les miennes, s'appesante alors sur moi son regard vif qui me perce à jour. Elle fronce les sourcils, elle mouve ses lèvres, elle soutient mon regard. Des mots s'échappent de ma gorge s'asséchant, mes yeux s'abaissent, s'affaissent. Elle hurle, elle s'énerve, elle se calme, elle s'immobilise, elle réfléchit, elle agite ses mains, elle remet en place ses cheveux, elle me tire le col, elle serre les poings, elle me tourne le dos, elle vacille un coup. Et le temps s'étiole, et le temps s'étire, et le temps s'éloigne, et le temps s'écoule, et notre temps s'enfuit. Le ciel bleu se vide pour laisser l'horizon se vêtir d'un doré aussi brillant que ses cheveux. Mes yeux ne peuvent la quitter pendant qu'elle me quitte pour embrasser la nuit chaotique.

(2016)