Les premiers émois

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Dans la lumière blafarde du jour naissant, retentit soudain un claquement de mains. Les élèves à peine éveillés et ouvrant leurs yeux avec peine sortent de leur lit en pyjamas. Deux nouveaux claquements emplissent le dortoir, comme des ordres pressants. Léandre en saisissant sa tenue, aperçois un petit billet qui tombe à ses pieds.

Retirant la chemise rayée qu'il n'avait pas encore boutonnée, il la pose sur le petit papier pour le dissimuler. Le dortoir se vidant peu à peu, et le surveillant ayant détourné son attention, il en profita pour s'assoir sur son lit ce qui lui permis de saisir le billet et de le déplier. Il lut après s'être assuré que personne ne l'observait.

Un sourire discret apparut sur le visage de Léandre, il serra le poème contre son cur. L'air s'emplit d'un parfum de lavande, le même qui s'était manifesté dans le bus, une de ces fragrance qui poursuit bien des gens toute leur vie, parce qu'elle réveille dans leur cur le souvenir ardent d'un moment de bonheur.

Prenant conscience d'une présence, Léandre tourna son regard vers la porte du dortoir, Lukas apparut. Il était transfiguré part rapport à la veille, dans son costume noir et ses chaussure cirées. Une chemise blanche achevait le changement et lui donnait une silhouette un peu apprêtée. Comme il arrivait auprès de Léandre, celui-ci se décala sur sa droite, laissant Lukas s'assoir et même s'allonger sur ses jambes. Les deux amis se regardant silencieusement dans les yeux, Léandre se laissa aller à caresser les doux cheveux noirs du plus jeune.

"Je l'ai trouvé splendide ton poème, dit-il brisant le calme dans la pièce."

Le cur du lycéen battait à la chamade. Lukas rougit puis appuya sa tête sur la poitrine de Léandre, comme pour cacher sa rougeur envahissante.

"Votre cur bat vite, dîtes-moi ?"Demanda t-il, le son de sa voix étouffé par les vêtements de Léandre.

Le plus grand ne put réagir, un grincement, et la grande porte s'ouvrit sur l'imposante stature du père Urkan qui entra silencieusement dans le dortoir. Lukas eut tout juste le temps de quitter sa tendre posture pour se retrouver assis, la chevelure complètement en désordre.

Le père releva ses lunettes et dis d'une voix douce qui révélait cependant une impatience contenu :

"Jeunes gens, vous devriez déjà être prêt pour le petit-déjeuner."

Les deux garçons quittèrent le dortoir, la tête basse, pensant avoir eu beaucoup de chance. En effet les collégiens n'avaient pas le droit de se rendre dans les dortoirs des lycéens, allez savoir pourquoi !... le père le savait...

Ils comprirent plus tard que l'attitude du père Urkan était pleine de bienveillance et qu'aucun aspect de cette scène ne lui avait échappé.

La journée suivit son cours, dans la routine habituelle. Malgré cela, Léandre n'ayant aucune experience en poésie, décida de s'y mettre en profitant des heures d'étude. Ainsi pourrait-il dédier à Lukas quelques vers, lui procurant autant de plaisir que celui qu'il avait ressenti lui même à la lecture du petit billet.

L'heure de refermer livres et cahiers étant arrivée, il sortit pour prendre l'air dans la cour embaumée du parfum frais d'un soir campagnard . Peut-être ses pas croiseront dans les couloirs ceux du petit poète ?

Tous les internes se dispersent dans la grande cour et bavardent par petits groupes. Leur nombre fait que celle-ci est occupée dans sa totalité par ces petits cercles clairsemés. Léandre regagne la cour en parcourant la galerie qui longe les bâtiments. Il cherche Lukas des yeux lorsque soudain une main saisit fermement son poignet et l'attire dans une salle voisine. S'apercevant que Lukas était à l'origine de cette ferme invitation, il se laissa faire et suivit. La salle n'avait pas du servir depuis un certain temps et, délabrée, elle était envahie par une lumière grise qui augmentait son aspect poussiéreux.

"Où m'emmènes tu, questionna Léandre d'un air amusé."

Lukas le regarda sans rien dire avec un immense sourire. Qu'avait-il en tête ?

"Ici sera notre petit coin secret, à chaque récréation, nous pourrons nous y rejoindre," finit-il par murmurer.

Oubliant l'épaisse couche de poussière, il s'assit sur un pupitre qui semblait plutôt être un ancien bureau de salle de sciences naturelles. Léandre s'approcha et, insensible à la poussière, il s'allongea sur cette table, posant sa tête sur les cuisses de Lukas, que le short d'une toute récente séance d'éducation physique avait laissées dénudées. Ce contact charnel, chacun des deux amis l'avait ressenti, mais leur trouble se trouva dissimulé par une réciproque pudeur. Lukas, ayant vu un petit papier dépassant de la poche de la veste de Léandre, s'en empara :

"Qu'est ce que cela peut-il bien être ?"

C'était le premier poème que Léandre s'était décider d'écrire, en espérant que Lukas l'apprécierait :

Léandre releva la tête pour voir la réaction de Lukas. Il remarque l'expression de bonheur qui émanait de lui, illuminant son visage d'un immense sourire où ses yeux brillaient comme deux pierres précieuses.

"Je peux te tutoyer ?" Demanda Lukas.

Léandre ayant acquiescé en silence de la tête, e jeune collégien se précipita sur lui pour l'embrasser de toutes ses forces. Léandre fit de même et ils se retrouvèrent face à face, dans un geste de tendresse, front contre front, les yeux dans les yeux. Par la fente de la porte entr'ouverte, Victor les fixait, paralysé, il ferma les yeux et sans rien dire rebroussa chemin vers la cour bruissant de conversations.

Platonic LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant