Les larmes de Lily.

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Même univers que "Les dernières paroles de Paradis". Lily est une chatte du Groupe du Soleil, anciennement solitaire, au passé sombre et à la santé mentale douteuse qui doit quitter son compagnon Basilic car elle se retrouve atteinte d'une grave maladie. 

Certaines paroles relèvent peut-être du vécu. A ceux qui le doivent de se sentir remerciés, de se le sentir.


La folie.

C'est quelque chose dont on n'est pas censé guérir, quelque chose qui doit rester à l'intérieur et pourrir au fur et à mesure que les situations périlleuses pour notre moral se succèdent.

La folie, c'est la mort lente.

J'allais lentement mourir, je crois. Enterrée six pattes sous terre avec personne, non, personne, pour me pleurer. Pas même ma pauvre fille morte, là-haut. J'étais trop horrible.

Du moins, c'est ce que je pensais quand je n'avais pas encore rencontré Basilic.

J'avais marché durant des jours. Je venais de tuer mon dernier compagnon en date et son fils. Oui, son fils, pas le mien. J'avais cru que je pouvais me reposer sur mes lauriers et aimer le chat qui me faisait chavirer, mais non. C'était juste...des quenouilles.

J'avais été gentille. Il m'avait brisé le cœur mais je l'avais tué rapidement après avoir sauvagement ôté la vie de son chaton. Juste mes crocs dans sa gorge, le temps de l'étonnement de la mort dans ses yeux apeurés, et puis sa trachée rompue laissant couler à profusion tout ce sang délectable dans ma gorge à moi.

Rapide, c'était vraiment rapide.

Et là, j'étais tombée sur Basilic. Il était perdu...

Perdu, comme je l'étais depuis que la fin avait un commencement. Je n'avais pas pu m'empêcher de l'aider, de venir en aide à ses beaux yeux verts.

Il était beau, Basilic. Très beau. Je ne sais pas s'il le savait, mais moi je le trouvais beau. Surtout ses yeux, c'est toujours surprenant quand des yeux émettent des émotions. D'habitude, ça me satisfait de les éteindre, mais celle-ci j'aurais voulu les voir toute ma vie durant. 

C'est pour ça que la première fois que j'ai rencontré Basilic, je ne l'ai pas tué. 

La seconde fois ? 

Nous ne nous étions pas quittés depuis notre rencontre. J'allais quelque part, il me suivait. Je chassais, il me suivait. Je courais, il me suivait. 

OK. 

Dans l'histoire, on oublie qui est-ce qui est fou. 

Mais moi, je trouvais ça mignon, il ne savait pas où allait. Et puis, c'est moi qui lui avais proposé de rester, je crois. 

Alors la seconde fois que je l'ai rencontré, la fois où nous nous sommes avoués que nous nous aimions...je ne l'ai pas tué non plus, je l'ai aimé. Ou je me suis rendue compte à quel point je l'aimais. C'est pareil.

On a rejoint le Groupe du Soleil, on a eu des enfants (je rigole pour les enfants), et on a vécu heureux jusqu'à la fin des temps.

Ou pas jusqu'à la fin des temps.

Si je suis aujourd'hui au-dessus du corps endormi du chat qui a donné un sens à ma vie à roucouler de belles paroles, c'est parce que je vais mourir.

Je le sens, je le sais. 

Enfin, je ne sais pas ce que c'est exactement, mais ça me prend ma vie. Je crois que je ne pourrais bientôt plus me lever...

Je ne veux pas que Basilic me voit dans ce triste état. Je ne veux pas qu'il ait ce dernier souvenir de moi. Il mérite...d'être heureux.                                                                                                                                  Je ne suis pas un cadeau, je le sais, mais il m'a supporté durant...longtemps. Très longtemps. Il m'a rendue heureuse et il m'a montré de beaux aspects de la vie.

Je ne peux pas lui faire ça.

"Et quand tu te réveilleras, je ne serais plus là..." Chuchotai-je, les larmes aux yeux.


Ellipse du temps.


Je me suis endormie...

J'ouvre les yeux et constate que je suis auprès de Basilic , encore. 

Il dort toujours.

Ce chat a le sommeil lourd, c'est dingue. Je me met sur mes pattes et l'observe, encore et encore.

J'aimerais tellement que ce qui me ronge disparaisse, qu'il ouvre ses yeux tout à coup, et me crie "Lily", et que nous rigolons comme nous avions l'habitude de le faire, que nous nous serrons l'un contre l'autre et ne bougeons plus jamais.

Mais c'est impossible, apparemment, et je l'accepte. Je ferme les yeux sur tout et je l'accepte.

Ce ne sera pas facile, je pleurerais pendant longtemps encore, je ne l'oublierai même jamais...!

Mais c'est bel et bien fini pour nous.

Je sais qu'il ne me retiendra pas. Je sais qu'il ne le fera pas. Je peux attendre, encore et encore, en toute immobilité, en pleurant, en hurlant silencieusement ma douleur, en le suppliant intérieurement de ne pas nous laisser aux oubliettes.

Mais j'aurais du accepter ça il y a un moment déjà.

Alors, les larmes aux yeux, oui, aux yeux, je m'en vais en courant. Je fuis. Si je regarde en arrière, ce n'est qu'une fois, je veux voir ce qu'il a à dire.

Mais il n'y a rien, alors je fuis.

Je fuis, et je dis déjà oui à moitié à la mort.





Recueil de passage émotions.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant