Chapitre 4

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Les yeux mi-clos, je vois Ethan changer la station radio et baisser le volume qui empli l'habitacle après m'avoir jeté un bref coup d'œil. Il reporte son attention sur la route sinueuse lorsque sa voix grave s'élève :

–Tu devrais prendre un peu de temps pour toi.

Je ne vois pas trop ce qu'il insinue par là. Le matin, je vais prendre mon café au Arvo Café. La plupart du temps je l'y retrouve et nous passons ensuite notre après-midi à la plage à profiter du beau temps et de la chaleur que nous offre ce beau mois de juin. Nous faisons les activités que nous offre l'île.

–C'est déjà ce que je fais. Regarde, on va faire pour la dixième fois le chemin de fer du Koko Crater.

Je termine ma phrase en baillant et en refermant les yeux. Ethan souffle doucement.

–Je ne parle pas de ce genre de temps-là, Heather. Tu as besoin de te reposer.

–Tout va bien, je suis seulement un peu fatiguée.

–Non, tu n'es pas seulement un peu fatiguée. Tu es complètement épuisée. Regarde-toi, tu dors debout.

J'ouvre les yeux pour lui montrer que ce qu'il dit n'est pas vrai et me redresse sur mon siège. Je me tiens bien droite pour chasser la fatigue. Il tourne vaguement la tête vers moi et m'examine minutieusement.

–J'ai seulement passé une mauvaise nuit.

–Ce n'est pas qu'une seule nuit. Tout ça, avec ta mère... Ça se répète de plus en plus souvent.

–Ça finira par s'arranger. Elle ira mieux et on reprendra un train de vie normal.

Il ouvre la bouche pour me contredire avant de se raviser et de la refermer aussitôt. Puis tiraillé par l'envie de me faire ouvrir les yeux sur la situation, il s'adresse à moi :

–Heather..., commence-t-il doucement. Tu sais que j'adore ta mère plus que tout. Mais je pense qu'elle a besoin d'aide.

Il pose son regard sur moi, puis sur la route, et à nouveau sur moi. Ses prunelles s'encrent aux miennes et il prend un air grave. Je me redresse sur le siège, prise dans la discussion qui finira mal, j'en suis certaine.

–Oui, c'est justement la raison pour laquelle je suis fatiguée.

Je vois sa poitrine se gonfler et s'abaisser rapidement. Il ne veut pas me faire de mal en me disant ce qu'il pense réellement.

–Je veux dire qu'elle a besoin d'aide, plus que ce que tu n'es capable de lui apporter. Tu as su gérer jusqu'ici sa maladie et tout ce que ça comprenait, et je peux t'assurer que je t'admire pour ça mais...

–Qu'est-ce que tu veux dire par là Ethan ? Que je ne suis pas assez bien pour m'occuper de ma propre mère ?

J'ai l'impression qu'on me plante un couteau dans le ventre et qu'on le remue pour accentuer la plaie. Ses mots me font l'effet d'une gifle et c'est alors que je me rends compte que mon meilleur ami, celui qui a toujours veillé sur moi, commence à douter de mes capacités à gérer ma famille.

–Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai juste l'impression que tout ça te dépasse, ça devient trop pour toi et ça va beaucoup trop vite. Tu as tellement de choses à gérer. Tu n'as que dix-sept ans et ce n'est pas à toi de t'occuper de tes factures, des courses, de la maison... C'est à ta mère de le faire.

–Tu sais tout aussi bien que moi qu'elle n'est pas capable de le faire. C'est la raison pour laquelle je m'en occupe. Elle n'a que moi Ethan.

Il ne sourcille pas quand je m'offusque. J'ouvre la fenêtre, j'ai besoin d'air. Les larmes menacent de couler et ma respiration se fait saccadée. Même si c'est difficile de gérer, j'ai pourtant l'impression de m'en sortir.

Quelques mois seulementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant