The Institute

Prologue

 Hiver 1999. Les douze coups de minuit ont sonnés, la route est déserte. Au petit croisement d'un carrefour, tout près d'une forêt, une voiture roule lentement. Elle se fond dans le décor sombre à cause de sa couleur, impossible à discerner dans cette nuit plus que noire. La route est glissante à cause de la neige. Le couple présent dans le véhicule se dispute, mais pourquoi ?

« - Essaies de les comprendre Rosa, laisse entendre l'homme. Ils ne sont pas comme toi. Ils ne t'aiment pas comme moi je t'aime.

- Ils ne sont pas comme moi, justement. A leurs yeux, je ne suis qu'un monstre Enyo. Ils m'interdisent de parler à nos enfants quand ils sont chez eux ? Et de quel droit dis-moi ?! Ce sont MES enfants. Je t'aime, mais je ne peux plus supporter ça. Je ne peux pas avoir confiance en eux. Ils essaient de détourner Elazar de moi. Ils lui font avoir peur de moi. Il faut que tu leur parles. Par pitié. »

Enyo ne répond rien. Il sait bien que sa femme a raison. Ses parents la détestent à cause de ce qui l'a séduit : ses capacités extraordinaires à contrôler les éléments. Ce qu'il aime chez sa femme effraie les autres et sa famille n'y fait pas exception, malheureusement. Et ce sont ses enfants qui en payent les frais.

La peur de perdre ses enfants effraie Rosalina, et lorsque celle-ci est effrayée, elle a du mal à contrôler ses pouvoirs. Anxiété, colère, tristesse. Elle passe par plusieurs émotions et avant même qu'elle n'ait pu se calmer, son corps devient bouillant, présage d'une mauvaise nouvelle. Enyo, remarquant que les mains de sa femme deviennent rouges, tente de la calmer. Il essaie de s'arrêter sur le bas côté, mais c'est trop tard, Rosalina perd le contrôle. La chaleur se propage dans tout son corps, de ses mains à ses pieds. C'est la seconde fois de toute sa vie qu'elle ressent cela. La seconde fois que quelque chose de semblable lui arrive. Et l'inévitable arrive alors : Enyo est touché et la voiture se détourne de son chemin, se retrouvant bien vite dans un fossé. De longues minutes passent avant que l'un des deux ne finisse par ouvrir les yeux. Rosalina reprend peu à peu conscience, les sens brouillés par cet accident. Tout ce qu'elle entend, c'est un sifflement désagréable. Elle glisse sa main endolorie vers sa gauche où se trouve son mari, espérant sentir celui-ci. Mais le siège est vide. Difficilement, elle se tourne pour enfin se rendre compte de l'énorme trou présent dans le pare-brise ainsi qu'Enyo, au travers de celui-ci.

« - E..Enyo.. prononce-t-elle, les larmes aux yeux. Enyo, réponds-moi.. »

Il lui est difficile de bouger. Elle ne veut pas croire ce qui est en train d'arriver. A nouveau, la voilà submergée par une vague d'émotions. Son mari. Son mari, Enyo, le seul homme à l'avoir jamais aimé est là, devant elle, inanimé. Et sans même avoir besoin de le toucher, elle sait qu'il ne se réveillera pas. Elle l'a tué. Ils avaient tous raisons, elle était devenue incontrôlable et avait explosé. Lui qui arrivait toujours à la calmer, cette fois, il n'avait rien pu y faire. Une nouvelle fois, Rosalina sentit son corps s'ébouillanter, mais elle ne fit rien pour calmer sa rage et sa tristesse. Elle venait de perdre l'homme de sa vie, et c'était inconcevable pour elle de vivre sans lui.

Un cri perçant brisa le silence de la nuit. Au milieu de la forêt, tout ce que l'on pouvait apercevoir de la route était un nuage de fumée.

Ce soir-là, Enyo et Rosalina Lund moururent tragiquement sur cette route déserte. Ils laissèrent derrière eux leurs deux enfants, Elazar et Seraiah, tout juste âgés de quatre et un an.

L'institut Lund, ouvert en 1990, ferma ses portes un an après le décès du couple Lund. Plus personne ne souhaitait venir étudier dans cette école. Les personnes aux capacités aussi extraordinaires que Rosalina se faisaient de plus en plus discrètes, de peur de se faire juger, voire tuer.

C'est en 2019 que l'institut rouvrit ses portes. Elazar et sa sœur, Seraiah, avaient décidés de restaurer la vieille bâtisse et de la rouvrir afin d'accueillir des personnes comme leur mère pour leur venir en aide.