Chapitre 1

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Le jeune apprenti mage courait à en perdre haleine au milieu des couloirs de pierre. Il se guidait grâce à sa mémoire mais sa vue était obstruée. Ses yeux d'ordinaire marrons étaient maintenant blancs et pâles comme ceux d'un aveugle. Il ne clignait pas des yeux. La scène qui se déroulait devant lui était tout simplement apocalyptique. Le prêtre du nom de Viric se prit les pieds dans sa robe grisâtre et trébucha au sol. Un autre apprenti qui sortait de la bibliothèque le vit à terre et l'aida à se relever.

- Tout va bien, frère Vi...ric ? Le nom se perdit sur ses lèvres à la vue du regard voilé emplit de panique.

- Je dois voir Maître Obalf immédiatement ! lui répondit Viric en s'accrochant au col de la robe de son confrère.

- Je t'amène à lui.

Les deux hommes avancèrent à la lueur des torches dont les flammes vacillaient à leur passage. Ils arrivèrent devant une grande de porte de bois renforcé par du fer forgé. Un anneau pendait à hauteur de la tête. Celui qui soutenait Viric le cogna vivement contre la porte à plusieurs reprises. Un vieil homme dans une robe noire en velours ouvrit la porte. Le jeune mage entra en bousculant le vieillard et amena Viric au centre de la pièce avant de se retourner vers le Maître.

- Qui y a-t-il ? et que faites-vous à cette heure-ci de la nuit ? demanda sèchement le Maître.

- Maître ! Maître ! appelait Viric en essayant de se tourner en face de l'homme qui venait de parler. Maître ! c'est affreux, je vois des morts, je vois tant de morts... Le jeune homme se mit à pleurer à chaudes larmes.

Le maître s'agenouilla et mit la main sur l'épaule de Viric. Il vit ses yeux, la sueur qui coulait le long de sa joue et surtout la peur. Elle était partout sur son visage.

- Que vois-tu ? lui demanda prestement le Maître.

- Je vois, je vois beaucoup de noirceur, il fait si sombre comme une nuit sans fin. J'entends le cri des enfants, des femmes, le gargouillement des gorges tranchées pleines de sang. Je vois des chaînes et des cadavres. Il y en a partout.

Viric se remit à pleurer de plus belle. Le Maître le secoua et le saisit par les épaules de ses deux mains fripées.

- Tu dois me dire absolument tout ce que tu vois, entend et perçois. C'est très important. Concentre toi !

- J'entends un son guttural, infernal. Il me murmure des choses. Je n'arrive bien à comprendre. Il... Il... me dit que c'est la fin. Que les dieux sont morts. Oh par tous les dieux, Maître ! les dieux, les dieux.

- Continue de te concentrer, est-ce qu'il y a autre chose ?

- Je vois une lumière.

A cet instant, le visage se détendit un peu. Il fixait le plafond comme s'il voyait une apparition.

 - C'est un corps humain, il rayonne trop je ne peux pas voir le visage. Tout scintille comme des milliers de diamants au soleil. Cette personne lève la main.

Les yeux du jeune apprenti devinrent tout blanc pendant un instant puis ses pupilles embrumées réapparurent.

- La personne a levé la main et tout est de nouveau vivant. La noirceur rampe entre mes jambes.

A cette annonce Viric battit des jambes comme s'il avait une araignée sur lui.

- Je le vois à présent, deux yeux rouges au milieu de l'ombre. Il fixe la personne. Je sens une menace.

Viric se mit à tousser fortement, à s'en décrocher les poumons. Son corps était parcouru de spasmes tandis qu'il gardait les yeux étroitement fermés. Le maître le tenait au niveau de l'estomac accroupi au sol. Le jeune apprenti semblait être presque inconscient.

- Vous. Dit-il en regardant fixement l'autre apprenti qui se tenait près de la porte, prenez vite un papier sur mon bureau et notez tout ce dont il a parlé.

- Bien Maître.

- N'oubliez aucuns détails c'est primordial.

L'homme se précipita vers le secrétaire du Maître et tout en saisissant un stylo demanda ce qu'il venait de se passer.

- Une prophétie et une mauvaise si vous voulez mon avis. Notez. Je vais devoir m'entretenir avec les autorités supérieures au plus vite. Comment s'appelle ce jeune garçon ?

- Viric, Maître.

Le Maître Obalf eut un léger recul et semblait surpris.

- Viric, vous êtes sur ?

- Absolument.

- C'est étrange. Il allait être renvoyé d'ici. Il n'avait pas assez d'Orée en lui. Il aurait fait un mage médiocre.

Le jeune apprenti stoppa sa prise de note et les deux regardèrent le garçon inconscient dans le creux des bras du mage.

- Les dieux ont besoin de nous. C'est urgent pour qu'ils s'en remettent à quelqu'un comme lui. Avez-vous fini de tout noter ?

- Oui Maître Obalf.

- Bien, ramenez le dans son dortoir. Prévenez Maîtresse Marye que je dois partir.

Le jeune homme pris le second par les épaules et quitta le bureau rond du Maître. Ce dernier se leva et lu la prophétie écrite d'une main maladroite. Il se dépêcha de la cacheter et mit la lettre dans une des poches à l'intérieur de sa longue robe noire. Il prit son capuchon et partit alors pour la Tournelle. Il allait devoir convoquer tous les monarques et les puissants du royaume de Kalrith. Une menace venait de tomber, une qu'il redoutait depuis longtemps. Les murs de pierre du château semblaient plus froids que d'habitude, le domaine était plongé dans un affreux silence. La vie était comme en pause. C'est à peine si le Maître osait respirer. Il monta sur le cheval le plus rapide des écuries et quitta promptement les lieux, sans un regard en arrière. 

La Guerre des Trois MondesWhere stories live. Discover now