J’y ai cru. Du plus profond de mon être. Seulement nous n’avions pas prévu le changement. Notre plan était pourtant simple, chaque point avait été étudié, analysé, tout était parfait. Nous n’avions juste pas pensé à un possible imprévu, et ça, c’est peut-être la chose la plus difficile à accepter, l’échec. Je revois Kai dans la foule, la flamme dans ses yeux alors qu’il observait tout ce à quoi il tenait partir en fumée. Je me revois au milieu de cette foule le regardant se battre en vain, je lui criai en silence d’arrêter, que détruire son âme ne servirait à rien, que tout avait foiré, que c’était fini et on ne pourrait rien y faire. Je me suis assise au sol, invisible, toutes ces jambes me paraissaient identiques, effrayées, prêtes à tout pour sauver leurs peau. Nous avions perdu, et plus cette phrase résonnait dans ma tête, plus je me prenais des coups, des chaussures, des mollets, un sac, la douleur me paraissait lointaine. Je pensais à cet échec cuisant, à ce que nous allions faire maintenant que tous nos espoirs c’étaient envolés, je pleurais, recroquevillée sur moi-même, frissonnante de peur. J’ai senti tout à coup qu’on m’attrapai le bras, serrant très fort, il me fallut quelques secondes pour revenir à moi, j’ai tourné mon visage ravagé par les larmes et la poussière vers cette personne. Il m’a porté cette nuit-là, avec le peu de forces qui lui restait il l’a fait, il disait que c’était moi qui le portait, que c’était pour moi qu’il avait continué à lutter, pour cette lueur dans mon regard, pour tout l’espoir que je représentai, l’eau qui éteindrai le feu. Arrivés tout en haut de cette colline où nous nous tenions plus tôt ce matin, surplombant la ville brûlante, serrés l’un contre l’autre, j’ai su que quelque chose avait changé. Je lui ai souris, un sourire rassurant lui demandant de se retourner, partir loin d’ici et oublier toutes ces choses que nous avions perdu aujourd’hui. Le feu dans son âme s’était dissipé, il était calme, serein. Après un dernier regard en direction de ce qui appartenait désormais au passé, nous sommes partis en direction de la grande Lune, peut-être serait-elle assez grande pour deux orphelins du passé.