Une forêt plongée dans la noirceur de la nuit, des cris d'animaux en tous genres loin d'être rassurants et une atmosphère pesante... une forme se dessinait entre le tronc des arbres, une masse noire avec des yeux rouges, à l'allure d'un ours, un ours géant ! Cette créature n'avait clairement pas la douceur de l'agneau. Et elle avançait.. vers moi ?? paniqué, je voulus fuir mais, en regardant mes pieds, c'était comme si des racines avaient poussé dessus pour m'empêcher de partir.
Alors qu'elle approchait et que je sentais la fin arriver, un bruit fort et strident retenti, c'était l'alarme de mon réveil qui venait me tirer de ce cauchemar. Mon cœur battait encore un peu vite et mon t-shirt lui était trempé de sueur, mais au moins, ce calvaire était fini.
Après avoir ouvert mes volets pour me rafraîchir, je pus enfin reprendre mon calme. Nous étions au tout début de l'automne, l'air était un peu frais pour la saison. Le soleil commençait à peine à se lever, il donnait des couleurs magnifiques au jardin familial. Il y avait principalement des pommiers, chacun donnant des pommes rouges et délicieuses. Il y en avait un que j'appréciais tout particulièrement, un très grand aux branches plus solides que la moyenne. J'adorais y monter pour lire paisiblement, avec comme seul bruit le chant des oiseaux autour de moi.
Lire était mon principal passe-temps, mon seul passe-temps à vrai dire.. J'adorais découvrir ces nouveaux mondes à travers de simples mots, chaque livre me plongeait dans une atmosphère de voyage, comme si j'étais moi-même le héros du roman. C'est ce qui m'a donné envie de faire le même métier que mon père.
Il était pilote de ligne, je ne le voyais donc pas souvent. Mais il me décrivait à chaque fois les pays où il atterrissait. En descendant prendre mon petit-déjeuner, je vis que ce matin encore il n'était pas là, il revenait du Canada aujourd'hui si je me souviens bien. Ma mère était assise à table, en train de finir sa tasse de café. Elle travaillait en tant que professeur de langues étrangères dans mon école où elle enseignait principalement l'anglais et l'espagnol, qu'elle avait appris au cours de ses voyages.
Quant à moi, j'étais quelqu'un de plutôt solitaire et timide, et ceux depuis toujours. J'avais un quotidien assez ordinaire quand j'y pense, avec des cauchemars fréquents à la place des amis. En parlant de quotidien, il fallait que je me dépêche si je ne voulais pas louper mon bus pour aller à l'école.
Ma mère ne travaillant pas aujourd'hui, je pris le bus seul. J'avais environ 1h de trajet pour arriver en ville. Heureusement, j'avais toujours un livre sur moi pour ce genre de moment. Le bus était assez agité, mais j'arrivais sans aucun problème à me plonger dans ma bulle et à faire abstraction de ce brouhaha ambiant. J'étais dans ma dernière année de lycée, dans la section scientifique. Je n'appréciais pas particulièrement mes camarades de classe, ils étaient trop immatures. Quant aux professeurs, j'étais censé écouter leurs cours, mais eux étaient censés nous apprendre des choses. Aussi, ils n'avaient pas à se plaindre de me voir dormir ou faire autre chose.
Chaque fois que j'arrivais devant mon lycée, je le voyais, cet immense globe en pierre représentant la terre. Je m'attardais toujours devant, en associant les pays avec les descriptions de mon père et ce que j'avais pu lire. Je me disais qu'un jour, je ferai le tour du monde pour découvrir un maximum de cultures différentes comme ma mère l'avait fait. Les gens me regardaient bizarrement chaque matin, mais je m'en fichais, ils ne m'intéressaient pas.
Je passais encore ma journée seul, à tuer le temps pendant les cours et à lire pendant les poses. Je n'avais personne à qui parler. Tous étaient trop différents de moi, ou bien c'était peut-être moi qui étais différent d'eux. En y repensant, c'était mieux ainsi. Avoir des tonnes d'amis, être populaire, sortir tard le soir, très peu pour moi. Ma journée , c'est fini plus tôt que d'habitude grâce à un professeur malade, et mon bus ne partant pas avant plus de 2 h, je pus me rendre dans mon endroit préféré en ville : la librairie.
Chaque fois que j'y allais, je me sentais presque comme chez moi, sur mon pommier. Le gérant m'accueillait toujours avec un grand sourire et me conseillait les nouveautés qui pourraient me plaire. C'était la seule personne amicale et avec qui je pouvais parler normalement dans cette ville. Au fond du magasin, il y avait un petit espace lecture. Il y avait là plusieurs étagères en bois, ayant la forme d'arbres, avec sur chacune d'elles plusieurs dizaines de livres. Des romans policiers, d'auteurs célèbres ou de récit fantastiques (qui étaient de loin mes préférés) il y en avait pour tous les goûts. Aujourd'hui je me dis que mes cauchemars venaient sûrement de tous ces récits fantaisistes que je lisais. À me perdre dans l'histoire ainsi, cela impactait peut-être mon sommeil. Mais qu'importe, je n'allais pas arrêter de lire pour autant.
Durant ce temps passé à la librairie, le ciel s'était assombrie, et il avait commencé à pleuvoir. Chaque fois qu'il pleuvait, je m'amusais à regarder les gens courir pour ne pas être mouillés pendant que j'étais sous mon parapluie. Certains trouveraient ça mesquin, moi ça ne rendait ma journée que meilleure. Le bus du retour était aussi bruyant qu'à l'aller, mais là encore il me suffisait de me plonger dans mon roman pour oublier toutes les personnes autour de moi.
En rentrant, je vis mon père de retour du travail. Comme d'habitude, après avoir posé mes affaires, il me racontait son vol, son séjour sur place. Il me décrivait l'océan, le ciel, les petites îles qu'il avait pu apercevoir. Il me parlait également du pays, de Montréal, la ville où il s'était posé. De son réseau de galeries souterraines, de son charme, ...
Après ça, j'ai aidé ma mère à faire à manger. Je n'étais pas spécialement doué, mais je savais faire des recettes simples. Puis à table, je parlais avec eux de ma journée sans grand intérêt, ils parlaient de la leur, nous parlions de tout et de rien. C'étaient les seules personnes avec qui j'aimais parler (eux et le gérant de la librairie).
La nuit était déjà tombée en cette saison, si je voulais lire, je ne pouvais pas le faire dans le jardin. Ma chambre m'allait très bien aussi. Remplie de photo de voyage, de livres et de tas d'autres choses. Plus tard, en allant me coucher, j'avais la même peur que chaque soir. La peur de refaire cet affreux cauchemar. Mais pour une fois, j'ai essayé de comprendre ce qu'il représentait. J'en avais déjà parlé avec mes parents, mais sans grande surprise, eux non plus ne savaient pas ce qu'il signifiait. Par la suite, j'ai souvent refait ce cauchemar, sans comprendre d'où il venait, mais cela devenait de moins en moins fréquent, en particulier quand j'ai intégré les études supérieures et que j'ai commencé à m'ouvrir aux autres personnes que je jugeais plus matures.
Aujourd'hui, 10 ans plus tard, cela fait longtemps que je ne fais plus ce cauchemar. Je mène toujours ma petite vie paisible et elle me va très bien. Peut-être vous demandez vous pourquoi je vous ai raconté ma vie banale ? après tout, quand on raconte une histoire, c'est souvent car elle est géniale. Eh bien c'est justement pour ça que je vous l'ai racontée, car aucune vie n'est banale et que chaque personne devrait trouver sa vie géniale car elle l'est. Et si elle ne l'est pas aujourd'hui, elle le sera très prochainement.
Pour conclure, je n'ai qu'une phrase à dire :
- « Bonjour à toutes et à tous, je suis Louis Druo et je suis ravi d'être votre commandant de bord sur ce vol Paris – Tokyo »
VOUS LISEZ
Mon quotidien
General Fictionun personnage racontant son quotidien que l'on pourait juger de banal, classique... mais, l'est elle vraiment ?