Chapitre 2 - Céleste

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Un flot ininterrompu de lumières bleue et rouge éclairait les alentours, rendant la scène irréelle. Céleste évoluait dans un brouillard intellectuel, en mode automatique. Elle était en état de choc, engourdie, frigorifiée. Un mot glané au hasard lui déclencha un flash-back des derniers événements.

Elle était en train de déjeuner avec ses parents et ses amis dans le salon, sa sœur avait laissé un message pour les informer qu'elle était partie se promener en moto. Soudain, le téléphone s'était mis à sonner, la faisant sursauter. Elle se rappelait avoir vu sa mère se lever et décrocher le combiné sur le petit guéridon en bois. Cette dernière avait échangé quelques mots avec l'interlocuteur puis s'était mise à trembler comme une feuille, son visage se décomposant et blêmissant de seconde en seconde. Elle s'était alors effondrée en pleurs sur le carrelage, serrant fort l'appareil.

Elle se souvint ensuite que son père s'était précipité au secours de sa femme, la prenant dans ses bras et la berçant doucement. Puis il lui avait délicatement récupéré le téléphone des mains et avait pris le relais, l'air grave. Après, tout s'était enchaîné très vite et elle ne se rappelait plus très bien. Son père, après avoir raccroché, lui avait parlé, mais elle ne se remémorait que de quelques mots qui l'avaient marquée : Luna, moto, accident et grave. Ces quatre mots, terribles, fatals, tournaient en boucle inlassablement dans son cerveau occultant tout le reste. Elle ne savait même pas comment ils étaient arrivés ici. Dans son esprit embrumé, c'était comme s'ils s'étaient téléportés.

Une couverture posée sur ses épaules la ramena au présent. Elle se retourna en sursaut et constata que c'était Lucas qui se tenait là. Un peu plus loin, près d'une voiture de police, Stéphane et ses parents discutaient avec les siens. Si les deux frères étaient venus avec eux, elle était bien incapable de dire quand leurs parents étaient arrivés.

— Merci, murmura-t-elle d'une toute petite voix éteinte.

— De rien. J'ai vu de loin que tu tremblais, mais personne n'avait l'air de s'en apercevoir ou de s'en occuper.

— C'est normal, ils ont mieux à faire, répondit-elle en haussant les épaules. Moi je vais bien, mentit-elle au bord des larmes.

— Et bien moi, je crois que tu ne vas pas bien ! affirma-t-il, sûr de lui. Tu ne devrais pas rester seule comme ça.

Ces paroles trouvèrent écho tout au fond d'elle. En effet, elle n'allait pas bien, elle se sentait mal, nauséeuse. Mais elle ne voulait pas le faire savoir pour ne pas ajouter de l'inquiétude supplémentaire aux autres. Elle trouvait cela aussi un peu égoïste de ne penser qu'à sa propre douleur alors qu'on ne connaissait même pas l'état de sa sœur à l'heure actuelle. Ainsi, les mots de Lucas eurent pour effet de l'apaiser légèrement.

— Ça me fait du bien d'être seule, je n'en pouvais plus d'écouter "tout ça". D'entendre encore et toujours cette phrase, "on n'a pas encore retrouvé votre fille, mais les recherches se poursuivent". C'est insupportable.

— Si tu veux, je peux me contenter d'être là, sans parler. Tu verras, tu ne t'apercevras même pas de ma présence.

Céleste haussa simplement les épaules. Elle se fichait de tout. Plus rien ne lui importait vraiment. Il lui semblait que son cœur n'était plus qu'un immense trou noir et béant dans lequel elle avait l'impression de tomber tête la première. Il lui attrapa la main en silence, comme promis. Bizarrement, cela eut pour effet d'estomper très légèrement la douleur et le chagrin. C'était comme si ce contact mettait ses sentiments en sourdine, toujours là, mais comme perçus de très loin, comme s'ils étaient brouillés par un épais mur d'eau. Pendant une fraction de seconde, une idée fugace traversa son esprit. C'était comme s'il s'était précipité au bord d'un précipice pour l'attraper in extremis par le poignet avant qu'elle ne tombe définitivement et irrémédiablement.

PROJET D.N.A : Liens de Sang - T1[ autoédité ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant