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Gwen referma son casier, s'apprêtant à rejoindre la cour de récréation quand elle s'arrêta net.

Une dizaine de silhouettes venait d'apparaître à contre-jour, au bout du couloir. Elle ne pouvait pas voir leurs visages mais elle savait déjà qui ils étaient. Marlène et sa cour, toujours les mêmes depuis près de trois ans.

Elle rangea ses affaires en vitesse, les mains tremblantes, espérant être assez rapide pour les éviter. Mais ce n'était plus des élèves, c'était des lions en cage, des vautours enfin libérés, fondant sur leur proie.

- Regardez qui est là, déclara Marlène de ce ton mielleux que Gwen lui connaissait si bien. La grosse Gwenaëlle avec ses cheveux de carottes. 

C'était facile à dire, pour elle. Elle était trop blonde, trop souriante, trop belle, trop... parfaite.

- Je plains ses parents, rit Lisa, la meilleure amie de Marlène. Vous vous imaginez, rêver d'avoir un enfant et qu'au final... elle soit comme ça ? Je pense que j'aurais honte, à sa place.

Lorsque ça avait commencé, elle s'était juré de ne pas y prêter attention, de les ignorer mais, malgré elle, elle écoutait. Et elle avait fini par se résigner au fait qu'ils avaient raison. Elle était un fardeau pour ceux qui lui avait donné la vie, rien de plus.

Elle se rendit compte qu'elle pleurait au moment où un goût salé envahit sa bouche. Chaque mot était comme une lame s'enfonçant toujours plus loin dans son coeur.

Des rires retentirent dans le couloir, puis ils partirent, enfin. Elle resta un moment assise là, les genoux relevés contre sa poitrine, son sac de cours gisant à ses côtés, témoin muet de la scène.

Elle finit par se lever, essuyant les dernières larmes qui roulaient encore le long de ses joues. Elle se força à respirer calmement, puis sortit.

Arthur, son meilleur ami, l'attendait sur un banc. Il était probablement le seul qui ne se moquait pas d'elle.

Comme tous les jours, il lui demanda si elle allait bien. Comme tous les jours, elle ne répondit pas, préférant changer de sujet.

La vie était toujours meilleure, si l'on cachait les problèmes, si on les dissimulait au fond de son âme. N'est-ce pas ?

***

Gwen se laissa tomber sur sa chaise tremblante. Cela faisait quatre ans qu'ils l'insultaient, au détour d'un couloir, entre deux heures de cours, toujours discrètement. Elle pensait pouvoir le contenir, le gérer, elle l'espérait si fort !

Mais la vague l'avait submergée et elle n'arrivait plus à remonter à la surface.

Des bleus commençaient à apparaître sur ses bras et leurs rires résonnaient encore dans ses oreilles.

Elle regardait la feuille posée sur son bureau quand elle comprit enfin. 

Le stylo courait sur le papier et l'encre mêlée à ses larmes formait des lettres presque illisibles.

Elle sortit dans le jardin, l'air frais de la nuit caressant ses joues.

Son téléphone sonna dans sa poche lorsqu'elle arriva au bord de la piscine. Sûrement Arthur. Elle préféra l'ignorer, penché au dessus de l'eau, observant ses cheveux roux emmêlés, ses yeux bruns rougis par les pleurs, ses joues rondes, trop rondes.

Elle se laissa basculer vers l'avant. Elle ne tenta même pas de retenir son souffle. Elle se sentait bien, là, coupée du monde. L'eau brûlait ses poumons mais cette douleur effaçait celle qui, chaque jour, marquait son âme au fer rouge.

Bientôt, l'air vint à manquer et elle dût agripper ses mains au bord pour ne pas remonter. Pour la première fois, elle laissait la vague l'emporter.

Le monde disparut progressivement alors qu'elle fermait les yeux pour la dernière fois.

Le poids pesant sur ses épaules était devenu trop lourd, les rires trop moqueurs et les amis sur qui compter trop peu nombreux.

Alors Gwen était partie.




ATTENTION !! TOUTES LES VIES SONT PRÉCIEUSES !! Ne faites pas la même chose que Gwen. Il existe des numéros à appeler ou des associations pour vous aider si vous vous sentez mal dans votre peau.


(Ici Elora, j'ai écrit ce texte pour une rédac de français, j'espère qu'il vous a plu)

GwenWhere stories live. Discover now