Chapitre 1- Regards

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Axel se réveille en sursaut. Le soleil n'est pas encore levé, Axel est fatigué. Il cligne des yeux une fois, deux fois. Il se relève lentement, dans le silence de cette nuit noire. Axel sort de son lit, ses pieds se posent doucement sur le carlage glacé. Un frisson le parcourt.

Axel arrive au lycée, il est perdu. Il tourne sur lui même plusieurs fois puis sort son carnet de son sac. Il vérifie son emploi du temps, salle B22. Son premier cours d'audiovisuel, il est impatient. Un large sourire illumine son visage. Il regarde autour de lui, chacun sait où il va mais pas lui, il reste seul au milieu de cette cour qui lui semble gigantesque. Il déambule dans les couloirs, heureusement qu'il a prévu de l'avance. Il répère une pancarte, les salles 10 à 17 sont au premier étage et les salles 20 à 26 sont au deuxième étage. Cela lui semble logique, il grimpe les escaliers vers les hauteurs de ce bâtiment fraîchement rénové mais aux murs déjà gris. Il aperçoit quelques autres adolescents, le numéro de la salle est noté en grand. Au moins il est au bon endroit. Il s'adosse au mur, sourit timidement aux autres jeunes. Il n'a pas le courage de leur adresser la parole, alors il les observe. Axel aime observer les autres. Admirer la beauté des corps, leurs mouvements perpétuels qui l'étourdissent. Souvent ces âmes l'inspirent, il leur imagine une vie qui danse. Il répère deux garçons qui ont l'air simple. L'un des deux, blond aux tâches de rousseur, est en plein monologue passionné mais celui qui attire son attention est le jeune homme aux cheveux noirs qui l'écoute attentivement, ses yeux verts grands ouverts derrière ses lunettes rondes. Il a un air à la Harry Potter, et un pins des reliques de la mort sur son sac fait doucement sourire Alex. Petit à petit les différents élèves arrivent, plus ou moins essoufflés, seuls ou en groupe. Quelques minutes plus tard la sonnerie qui indique le début des cours retentit : il s'agit d'un extrait de la symphonie n°40 de Mozart qui leur vrille les tympans, si cela est possible pour une symphonie. Axel grimace, massacrer ainsi l'œuvre d'un si grand artiste relève pour lui de l'ordre d'un crime. Un homme apparaît alors dans le couloir. Il boite de sa jambe gauche et trébuche tous les deux pas sur ses lacets défaits. Les couleurs éclatantes de sa chemise à fleurs et de son short orange (qu'Axel trouve de très mauvais goût) contrastent avec son air sérieux et ses sourcils froncés. Il se rattrape de peu à la porte de la salle en arrivant devant ses élèves et se présente d'une voix rauque :
"Bonjour les enfants, moi c'est monsieur Tessier. Vous êtes bien les élèves de seconde pour l'option audiovisuel ?".
Un concert de oui auquel Axel ne prête pas sa voix lui répond et il sort alors une vieille clé de sa poche trouée pour ouvrir la lourde porte. Il invite les élèves à entrer, ils ne se font pas prier. Chacun s'installe là où il le veux et Axel s'assoit derrière les deux adolescents qu'il avait repérés en arrivant. En parallèle de sa rangée, sur sa droite, se trouve un autre jeune homme qui est lui aussi seul.

Leurs regards s'accrochent, Axel est subjugué. Il est impressionné par sa taille, lui qui est si petit l'autre en face lui semble être un géant, il est impressionné par ses cheveux noirs jais et son regard profond de la même teinte. Il y lit la passion, la douceur et la violence, il y lit tant de contrastes éblouissants qu'il détourne rapidement les yeux. Mais il ne peux s'empêcher d'y revenir à peine quelques secondes plus tard et il ne le sait pas encore mais il en est déjà devenu accro. Le professeur, debout devant des élèves attentifs, se présente et fais un résumé des travaux qu'ils produiront pendant l'année mais ces deux là n'écoutent pas. À vrai dire dans le silence brisé uniquement par la voix lancinante de Monsieur Tessier et les respirations régulières de chacun, les deux hommes se partagent déjà leurs joies et leurs peines. Et ils le font muets parce que parfois le corps et le regard ont mille fois plus de choses à conter sur l'âme que les paroles vaines et inutiles. Ils ont trouvé leur langage et personne, jamais, ne pourra le leur voler.
Leur discussion silencieuse, qui pourtant ne faisait que commencer, est interrompue par le professeur qui passe entre eux. Apparemment il vient de désigner des groupes puisque les deux jeunes devant Alex se retournent en lui souriant. Pourtant celui-ci ne leur prête pas attention, il se décale vers le jeune homme mystérieux et essaye à nouveau d'accrocher son regard. Mais le contact visuel est brisé, et par la même occasion la connexion et la tension qui régnaient en maîtres aussi.

L'heure de cours passe, Axel fait connaissance avec Eliott, le blondinet un peu trop bavard et Milo, le Harry Potter des temps modernes. La journée aussi prend fin, puis la semaine, puis le mois. Le temps passe, inlassablement les secondes s'écoulent et Alex ne peux rien faire pour les ralentir. Il s'intégre à sa classe et au duo déjà formé par les inséparables, il s'habitue au lycée et au trajet en bus de quarante minutes tous les matins.

Maxence ouvre les yeux. Au dessus de lui un plafond à la peinture blanche écaillée. Maxence tourne la tête, le réveil vert pomme lui indique qu'il devrait être sorti de son lit depuis déjà plusieurs minutes. Il pousse un soupir de désespoir, la fin de ses insomnies semble utopique. Le parquet craque sous les pas de sa mère, il faudrait vraiment qu'il se prépare.

Maxence arrive enfin au lycée. Encore en retard... Il court dans les couloirs vides de tout élèves et grimpe les escaliers quatre à quatre, il est essoufflé. Il se plante devant la porte de la salle et frappe trois coups secs. La voix cassée de monsieur Tessier l'enjoint à entrer. Il se dirige rapidement vers sa place, aujourd'hui il n'a pas l'énergie de lancer l'une des remarques aggressives dont il a habitué ses professeurs. L'enseignant reprend son cours mais Maxence a décidé qu'il n'allait pas l'écouter. Il se tourne vers sa gauche et fixe le rouquin qui, lui, a l'air attentif à la leçon du jour. Maxence admire les traits fins de son visage, ses tâches de rousseur comme des milliers d'étoiles qui éclairent son regard, il admire son air concentré et ses yeux verts qui brillent. Maxence admire sa gueule d'ange et ses yeux pétillent. Bordel, une beauté comme celle ci ne devrait pas exister. Maxence observe aussi Eliott et Milo, encore une fois une émotion étrange le submerge. Pas vraiment de la jalousie, plus de la nostalgie. Lui aussi a été comme eux, insouciant, il l'a été mais désormais ce Maxence appartient au passé. Plongé dans ses réflexions il ne se rend compte que le professeur lui a parlé que quand il sent sur lui le regard interrogateur de celui qu'il admire.

Maxence et Axel n'ont pas été dans la même classe en seconde, la faute au hasard sans doute. Une chance qu'ils aient tous deux choisis la même option. Ils se sont contentés de regards échangés.
Regards échangés dans les couloirs ou en cours d'audiovisuel, regards échangés devant le lycée ou dans la cour de récréation.
Regards emplis de doutes ou de convictions, regards emplis d'amour ou de haine.
Regards qui parlent, regards qui dansent et regards qui chantent.

L'année est passée, l'été est arrivé. À la rentrée ils se sont retrouvés comme s'ils ne s'étaient jamais quittés, putain ce qu'ils s'étaient manqués. Mais une fois encore ils n'étaient pas dans la même classe, seuls les regards sont restés.

Pas une fois. Pas un mot, pas même une syllabe et encore moins une phrase. Ils sont restés muets, chacun dans leurs mondes. Ils ont eu des peines et des malheurs, ils ont eu des joies et des douceurs. Ils se sont tout partagé dans ces regards de tendresse. Mais aucun d'eux n'a franchi le pas, ils ont respecté la distance de sécurité de deux mètres qu'ils se sont eux mêmes imposés. Axel a tissé des liens incroyables avec ses deux nouveaux amis, Eliott et Milo. Maxence n'est pas sûr de connaître le prénom de tous ceux avec qui il passe ses journées mais avec eux il se sent en sécurité.

Ils ont grandi, Axel a pris quelques centimètres. Ils ont gagné en maturité, ils ont fait des erreurs et en sont ressortis plus forts. Toujours si proches et pourtant si éloignés, leur relation aussi a évolué.

Axel a dansé, il a donné ses tripes dans ces chorégraphies qui lui ont values quelques médailles.

Maxence a chanté, il s'est cassé plus d'une fois la voix dans ces mélodies qui lui ont permis d'obtenir quelques prix.

Mais cette part d'eux, la danse et le chant, leur était personnelle. Axel ne soupçonnais pas une seconde que Maxence chantait et Maxence n'aurait jamais imaginé que Axel dansait. Cette partie de leur histoire, pourtant si importante pour chacun, devait rester inconnue à l'autre pour toujours. C'était écrit. Axel ne devait jamais entendre Maxence chanter, Maxence ne devait jamais voir Axel danser et de la même manière ils auraient dû rester aux regards pour l'éternité.

Mais le destin en a voulu autrement.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 27, 2021 ⏰

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