Flaming White

202 23 95
                                    

Il détestait penser que sa vie était colorée. Il ne voulait qu'une couleur, une seule et unique. D'aussi loin qu'il puisse se rappeler, il avait toujours aimé cette couleur. Le blanc, le blanc si pur des longs cheveux doux de sa mère qui chatouillaient son visage quand elle se penchait pour embrasser son front. Ses yeux gris, un gris si clair qu'on les croirait transparent. Il aimait le blanc, la douceur des étreintes de sa mère et la fraicheur de ses mains sur ses joues. Il avait aimé aussi les rires de ses frères et sœurs, qui tous arboraient la même couleur pâle. Toya, Fuyumi, Natsuo, tous avaient les mêmes cheveux clairs que leur mère, la même douceur, malgré les quelques mèches rouges de Fuyumi, et ses yeux turquoise qu'elle partageait avec Toya. Il aimait le blanc, le sentiment de réconfort qui y était associé, les sourires de sa mère, les jeux de ses frères et sœurs. Il avait passé des heures devant le miroir, à s'observer en se demandant pourquoi il était le seul à être différent.

Il avait été tellement heureux de découvrir qu'il avait hérité de l'alter de sa mère. Qu'il était lui-aussi capable de produire cette glace si blanche et froide. Il avait fixé les flocons dans sa chambre pendant tellement longtemps, avant de se rendre compte du rouge ardent qui brûlait à sa gauche. Il avait levé ses mains devant lui, l'une blanche de glace, l'autre rouge de feu. Il était content, tellement content. Avec un alter comme celui-là, il pourrait être un héros, un grand héros, comme son père. Il avait couru, jusqu'à sa mère, en arborant avec fierté son feu, et sa glace, cette glace si jolie et pure, qu'il avait hérité d'elle. Il se souvenait l'avoir vu écarquiller ses beaux yeux gris. Il se souvenait, pas d'avoir lu de la joie et de la fierté comme il l'avait espéré, mais de la peur, une peur si intense, qu'il s'était mis à pleurer avant elle. Elle était tombée à genoux, l'entourant dans une autre de ses étreintes douces et froides et si confortables, ses cheveux un rideau blanc qui bouchait sa vue. Elle pleurait, pleurait tellement, et il se demanda pourquoi à travers ses propres larmes. Mais son étreinte était si froide et chaleureuse à la fois, qu'il s'y blottit sans poser sa question. Tant que sa mère serait là, tout irait bien.

Il aurait voulu montrer cette glace, ce blanc si pur, au reste de sa famille. Ses frères, sa sœur, sa grand-mère, eux qui rayonnaient tous de blanc eux-aussi. Il n'en avait jamais eu l'occasion. Un mur de feu s'y opposa, une couleur rouge si ardente qu'il eut peur de se brûler en la regardant trop longtemps. Il fut traîné loin du blanc, loin de sa famille, loin des rires, de la douceur, de tout ce qu'il aimait. Il avait mal, tellement mal. Le blanc disparaissait si souvent, et il avait peur d'en oublier l'apparence. Le rouge avait tout envahi, ses rêves, ses cauchemars, sa vie entière. Et lors des cours moments de répit auxquels il avait droit, il courait, aussi vite qu'il le pouvait, vers le blanc, le froid, loin de cette chaleur étouffante qui émanait constamment de son père. Et il pleurait, il pleurait toujours, et sa mère le serrait contre elle, embrassait son front, et ses cheveux blancs chatouillaient son visage. Il avait peur, tellement peur de devenir comme son père. Un être avare de pouvoir, concentré sur sa réussite plutôt que sur le bien-être de sa propre famille. Il ne se souvenait pas que son père lui ait déjà cuisiné un gâteau pour son anniversaire, offert un de ces cadeaux bien emballés que sa mère et ses frères et sœurs préparaient pour lui. Ne se souvenait pas d'avoir déjà ressenti autre chose que l'impression de vivre avec un étranger. Ne se souvenait plus de la dernière fois qu'il avait joué au ballon avec Toya et les autres, ni de la dernière fois où il avait pu s'asseoir sur les genoux de sa grand-mère pour qu'elle lui lise une histoire.

All Might, All Might, All Might, son père n'avait que ce nom à la bouche. Il voulait faire de lui son successeur, un héros qui surpasserait All Might. Lui voulait juste se blottir dans les bras de sa mère et s'y endormir comme il le faisait avant. Il avait été tellement fier d'obtenir cet alter, si puissant et dangereux, et beau. Il regrettait à présent, aurait préféré ne jamais en avoir hérité. Ainsi, il aurait pu continuer de baigner dans la lumière blanche de sa mère, de sa famille. Aujourd'hui, il n'avait que le rouge comme compagnon, une chaleur ardente et suffoquante, qui l'accompagnait jusque dans son sommeil. Il se regardait dans le miroir, essayait de cacher son œil turquoise et ses mèches rouges, pleurait, car à présent, la seule pensée d'utiliser son feu, d'entrer en contact avec une quelconque forme de chaleur, lui donnait envie de vomir. Les étreintes froides de sa mère étaient devenues un refuge, ses cheveux blancs une muraille qui le protégeait du monde extérieur.

Flaming WhiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant