Arcanes du Temps - T1

Chap 9

Il était certain désormais qu'un lien particulier était établit entre le Dragon et sa maitresse. Il se souvenait d'une légende qu'on lui racontait enfant. On lui disait souvent que même les plus puissants des mages, même les Dieux ne pouvaient entièrement effacer les mémoires. Il subsistait toujours des résidus de souvenirs, perdus parmi d'autres, impossibles à déceler. Cela le passionnait. On racontait que les Dragons, étaient en réalité des hommes et femmes, qui étaient nés avec des ailes écailleuses, extrêmement puissants. Ils étaient reliés les uns aux autres par leurs cœurs audacieux et lorsque l'un d'eux mourait, ils souffraient tous de la perte pendant des décennies. L'origine des Dragons proviendrait de l'un d'eux qui en mourant avait condamné les autres de son espèce à se couvrir entièrement d'écailles, et qu'au fond d'eux-mêmes, malgré le temps écoulé, il résidait toujours un étroit lien entre leur esprit humain et celui de ceux qui les chevauchaient. Des liens fraternels. On lui avait bien évidemment dit que ce n'était que des brins d'histoires et que la réalité devait bien être autre, mais il adorait croire à ces beaux récits. Surtout qu'à ce moment précis, ils auraient pu expliquer, comment le Dragon communiquait avec la jeune fille.

Il donna rapidement de quoi manger à la petite renarde, la grattant derrière les oreilles et s'approcha de la jeune femme. Son souffle était anormalement froid, ses paupières et ses lèvres étaient devenues légèrement bleues et sa peau était couverte d'une fine pellicule de transpiration.

Elle était dans un état grave, et il ne possédait pas de quoi la soigner correctement. C'était un mal d'une origine inconnue et il n'était pas un expert en plantes médicinales. Une idée traversa son esprit, mais il la fit disparaître aussitôt, conscient que cela ne pouvait être une option pour le moment. Il fallait garder patience. Il se leva et d'un mouvement brusque passa le rideau aux éclats bleutés, pour rejoindre le Dragon. Il entra dans l'un des boyaux de la caverne et retrouva la bulle orange, dans laquelle était enfermé le Dragon. Le garçon aux pupilles fendues prit une profonde respiration et passa sa main dans la bulle. Il se mordit la lèvre sous l'effort qu'il devait procurer et laissa ses doigts toucher le museau de l'animal. De légers picotements apparurent à la pointe de ses doigts, et avec un immense effort de concentration, malgré la douleur lancinante que lui procurait le contact de la bulle sur sa peau, il laissa son esprit se remplir d'image de lumière, une chaleur douce est bienveillante qu'il laissa traverser son corps avant d'atteindre ses doigts et la tête du Dragon. Le souffle de celui-ci se ralentit, apaisé, et ses muscles se détendirent peu à peu. Le garçon sortit sa main d'un seul coup et tomba brutalement au sol. Il respirait difficilement, cela faisait plusieurs minutes qu'il avait arrêté de respirer, et ses poumons criaient de douleur. Il toussa violemment et attendit que ses mains arrêtent de trembler pour se relever.

C'était la seule chose qu'il pouvait faire. La seule manière d'atteindre la jeune fille, était de passer par l'esprit du Dragon. Elle s'était trop profondément perdue en elle-même pour qu'il puisse la retrouver. Il ne pouvait que éclairer leurs chemins dans l'obscurité de leurs songes, et leur permettre de retrouver leurs chemins. Transmettre des images de douceur et de lumière rendaient les cauchemars plus doux l'espace de quelques instants. Seulement cette étape était encore difficile pour lui, laisser son corps sans oxygène aussi longtemps était dangereux. Il lui faudrait du temps et de la sagesse pour acquérir une concentration qui ne demande pas de laisser son corps à l'abandon lors d'un transfert. Un corps devait vivre en harmonie avec sa magie, et se façonner ensemble, sans que l'un prenne le pas sur l'autre.

Il lança un dernier regard à la couche de protection du Dragon, cette sorte de coquille orange qu'ils se construisaient instinctivement lorsque ils ne pouvaient le faire eux-mêmes. Elles empêchaient aux intrus de s'approcher, seulement, il arrivait que certaines puissances extérieures et contraires, puissent fracturer l'enveloppe orangée.