Chapitre 1 - Val-Bois

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Des cliquetis se font entendre sous une pluie battante. La boue éclatait et s'étalait sur les bottes d'Amboise, au rythme des sabots ferrés de sa monture. Dans cette région, il pleut énormément, et ce depuis des années. Et peu à peu, les pourceaux et les gueux y survivant pitoyablement, on du s'acclimater tant bien que mal au triste sort que leur avait réservé la nature et le destin. Nombres de leurs terres, verdoyantes et fertiles il y a pourtant si peu, sont devenues des marécages puants, emplie d'une aura pourrie, malsaine et étouffante.
Et c'est la qu'Amboise allait. Épée au flanc, sur sa jument noire, qui portait le doux sobriquet de "Reine". Au bout de la route, Amboise apercevait une petite colline. Elle avait du mal à le distinguer à travers la brume, mais il semblait y avoir en son pied quelques chaumières, perdue, comme effacées et hors du temps...  Avec Reine, elle y serait vite, c'était certain. Une lieue, deux au maximum la séparait d'un travail, ou a défaut, d'une bonne bière et d'un repas chaud. En se rapprochant du village, elle passa devant une ancienne idole faite de bois, représentant une énorme femme, laide, grosse et édentée mais néanmoins souriante. L'idole, bien que ragoutante, dégageait une énergie paisible, amicale et protectrice. "Probablement une divinité locale..." se dit Amboise. En se rapprochant encore un peu plus, la brume se dissipait lentement et Amboise pouvait enfin contempler toute la douce misère dans laquelle vivait les habitants de la région. Les champs entourant le village, n'avaient de champs que le nom. Ils étaient inondés pour l'écrasante majorité. Des formes irrégulières et sombres s'agitaient au loin, farfouillant et retournant la terre. Finalement arrivée devant les chaumières, d'un petit saut, elle descendit de sa jument et mit pied à terre dans une éclaboussure record. Amboise mit une grande claque sur l'arrière-train de Reine, qui épuisée, ne partit qu'au trot. Elle observa dans un premier temps son environnement. Un petit saule commençait à pousser à l'entrée du village, la où la souche d'un ancien chêne pourrissait doucement, remplies d'insectes, de vers et autres bestioles rampantes. Près de ce jeune saule, se trouvait une pancarte de bois, sculptée et possédant une inscription dans un patois local. Amboise, forte de ses nombreux voyages, se tenta à décrypter le tout.
"Va.... Val...."
"Val-bois m'dame."
Un petit vieux avait débarqué, comme de nulle part, en guenille et recouvert de terre. Il s'appuyait de toute ses faibles forces sur une canne artisanale, très certainement faite dans une branche d'un bois local et qui s'enfonçait dans la boue. Son visage était rabougris, comme ratatiné sur lui même, rougis par l'alcool et le travail dans les champs. Amboise se demanda en elle même comment ce petit bonhomme pouvait encore voir quelque chose avec un visage aussi petit et reprit sur lui même.
"Vous savez ou je peux trouver du travail ?"
"Pour sur m'dame, faud'rait aller voir l'échevin hein... y'a qu'lui dans le coin qui pourra t'répond'e... m'dame" dit-il en continuant sa marche.
Amboise eu à peine le temps d'essayer d'en demander plus que le petit vieux avait déjà déguerpit d'une dizaine de mètres tout en marmonnant des choses incompréhensibles et indigne d'intérêt.
En entrant dans le village, elle vit quelques animaux gambadant librement. Des oies d'abord, en plein milieu de ce qui semblait former une rue, des canards encore, ou bien quelques volailles ici et la... ! La journée avait à peine commencer, le soleil était encore très bas dans le ciel et pourtant, malgré la pluie battante, les villageois commençait à s'activer et à sortir de leurs humbles demeures. Des enfants, jouaient ensemble en hurlant, se poussant mutuellement dans un mélange de boue, de fientes et d'eau. Certains riaient, d'autres pleuraient. Les parents, n'en avaient visiblement que faire. Un homme ici, portait une grande-binette. La bas, une dame revenait de son poulailler avec un panier en osier, contenant deux œufs. Panier en osier surement tressé par la vieille femme installée devant chez elle, sur un banc miteux, plus loin dans la rue. Elle tressait avec grande concentration, tout en vendant en même temps le fruit de son travail, posé à même la boue. Une odeur de miasme et de merde emplissait l'air, amplifié par les pluies. Communément ce que l'on devait appeler, le bon air frais de la campagne en somme. Un rat passe. Puis deux. Puis trois. Amboise continue sa marche, avant d'être stoppé par un paysan hurlant comme un demeuré, courant arc et flèche à la main, tentant de tirer sur les pauvres rats. Val-bois, était un village misérable, mais animé et fourmillant de vie. Le chemin de divisa en deux, vers la droite, une petite structure en pierre qui devait servir pour exercer la religion locale. Vers la gauche, une structure en bois moyenne, entourée par une palissade très classique en bois. Amboise, se dirigea donc vers la gauche, pensant que si l'échevin était dans le village, il se trouverait surement la bas. Deux pouilleux qui n'avaient pas l'air très vifs gardaient la porte à l'aide de râteaux en bois.
"Messieurs, où puis-je trouver l'échevin du village ?" demanda avec une voix forte et assurée Amboise.
"Fe'me ta gueul la don'zell !" beugla le premier.
"Ouai on pa'le pas au étrangèr' par ch'nous." rota le second.
Amboise, respectait la misère, mais pas le manque de respect. Elle fixa les deux idiots. Ils ne lui renvoyèrent que des regards emprunts d'alcools, de mépris et suffisance. Avec lenteur, Amboise mit sa main sur la garde de son épée, prête à dégainer et punir ces impudents.
"Allez cass' toi mai'nant !" hurla le premier en agitant son râteau.
Amboise dégaina d'un coup vif et précis. Son épée, une fois dégainée, éclairait comme le soleil en pleine journée. La lumière produite, était verte et presque surnaturelle. Après quelques secondes, la lumière disparaissa et laissa apprécier la vue du métal froid. L'arme était d'une finesse rarement égalée, même par les plus grands maîtres forgerons de la capitale et digne d'une joaillerie plus que d'une arme. Le fil était parfaitement droit et plus fin que le plus fin des papiers. L'acier avait plusieurs couleurs se mêlant dans le bleu, le vert et le violet en dégradé, signe d'un acier replié sur lui même des centaines de millier de fois afin du lui conférer une solidité à toute épreuve.  Des runes, étaient inscrite sur le pommeau de forme ronde. Le manche quand à lui, était assez grand pour pouvoir le saisir à deux mains. Mais la qualité et le poids de l'arme semblait tellement adroitement répartit, qu'il était évident pour n'importe quel néophyte, que l'arme était aussi maniable à une seule main, qu'à deux. Sur la garde, se trouvait une sorte de bouton richement décoré d'une pierre rouge. Amboise l'enclencha. Du bas de la lame sortit deux petites buses, crachant une sorte de liquide très collant et inflammable sur la lame. En lâchant le bouton, la lame s'enflamma d'un coup ! La lueur qui s'en dégagea mélangeaient toute les couleurs à la fois. La lame relâchait dans l'air une odeur putride et métallique. La flamme, faisait un bruit sourd, rappelant celui d'une marche guerrière et mortelle.
Les deux gueux reculèrent instantanément, impressionnés par l'arme d'Amboise. Prenant position avec son épée prête à frapper, Amboise leva sa main gauche, les pointant du doigt tour à tour, elle dit simplement avec froideur : "Si vous ne me conduisez pas rapidement à l'échevin, j'écourterais vos misérables existences. Si vous ne souhaitez pas être occis, faites vite. J'ai des projets plus ambitieux et importants que de sympathiser avec des pourceaux de votre espèce."
Le premier, visiblement bien alcoolisé, hurla dans le patois local et se jeta sur Amboise tout en levant son râteau en bois. Amboise tourna sur elle même et d'un coup circulaire très net, elle lui trancha avec finesse la main, qui s'envola et s'écrasa quelques mètres plus loin au pied d'une chaumière. Curieusement, la main, même découpée, n'avait pas lâché le râteau. Le gueux s'arrêta net et mit un genoux à terre sous l'effet de la surprise et de la douleur. Il hurlait à la mort, tandis qu'Amboise continuait sa folle danse, avec toute la grâce d'une femme. Dans le même mouvement, elle lui découpa d'un coup ample et précis la tête en deux à la hauteur des yeux. Le haut de son crane s'écrasa pitoyablement dans la boue, ne laissant que la mâchoire sur le reste du corps, continuant de beugler, comme si le cerveau du bougre était encore la. Le corps prit feu subitement. Et Amboise, toujours presque en dansant se rapprochait du deuxième pour continuer son sublime massacre. Il se jeta à terre en pleurant et implora la pitié de la guerrière. Les mains jointes, il avait lâcher son râteau et avalait presque de la boue dans ses pleurs.
Amboise, hypnotisée par le combat, leva son épée et aller frapper de nouveau. Un frison la ramena à la vie. Elle rouvrit les yeux et comprenant que le combat était terminé, elle appuya une nouvelle fois sur le bouton, coupant ainsi les flammes de sa lame et rengaina son arme. Tandis que le corps du premier gueux brulait d'une flamme verte surnaturelle, ses cris inexplicables avaient enfin finit par s'arrêter, les cordes vocales ayant probablement fondues et les fonctions respiratoires ayant très probablement cessé. Le deuxième s'excusait sans s'arrêter, toujours le visage dans la boue tout en pleurnichant. Amboise s'abaissa et tira le gueux par les cheveux, afin de voir son visage. Il était recouvert de saletés, toutes mélangées à de la morve et à des larmes. Dégoutée, elle lui parla quand même.
"Il faudrait qu'à l'avenir, vous choisissiez des gardes moins lâches, plus équipés et mieux entrainés." dit-elle froidement
"Pardonnez moi grande dame, je ne pouvais pas savoir que vous étiez la danseuse noire, je l'ignorais ! Épa ! É'pa ! Épargnez moi par pitié !" dit-il en hurlant
"Bien, dit moi ou se trouve l'échevin maintenant." dit-elle méthodiquement.
"Il est pas ici m'dame j'vous le jure, il est partit dans la forêt derrière le fortin avec le chasseur ! Je vous le jure il est pas ici ! Je vous le jure il est pas ici je suis désolé m'dame j'suis désolé ! Je suis désolé !" pleurnicha-t-il.
"Bien" répondit Amboise.
Elle lâcha les cheveux du gueux, sa tête retomba comme une pierre et éclaboussa les bottes d'Amboise. Elle râla, et se vengea en lui donnant un violent coup de pied dans au visage. Le drôle expulsa un cri de douleur. Elle se dégourdit un peu le dos avant de reprendre sa route. Regardant à gauche et à droite, elle siffla Reine, qui ne tarda pas à arriver et se remit en selle direction le bois derrière le fortin que gardait les gueux.

Comme nous le disions plus haut, Val-bois est effectivement un village très animé et fourmillant de vie.

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