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C'était lors de mon déménagement pour aller vivre en France. Habitant en Angleterre, nous devions donc faire le voyage en bateau car l'avion était trop cher. Avec l'habitude, je n'avais pas peur du bateau, mais lors de cette traversée, une tempête s'annonça sur La Manche. Quelques heures plus tard, les nuages chargés de pluie lâchèrent leur fardeau et des éclairs commençaient à zébrer le ciel. Le vent était violent et les vagues étaient de plus en plus brutales. Mais ce qui me faisait le plus peur, c'était le bruit. Le tonnerre qui grondait me rappelait le bruit d'une horde de chiens menaçants. Je me sentais étouffer dans le bateau, il y avait des enfants qui pleuraient, certaines personnes c'étaient mises à pleurer et, même à coté de mes parents, je ne me sentais pas en sécurité. Je me bouchais obstinément les oreilles avec mes mains, mais rien n'y faisait, j'entendais toujours le vacarme que faisait le bruit de l'orage. N'y tenant plus je me mis à pleurer et ma mère me prit doucement la main et se mit à me bercer. Elle me dit ces phrases que je n'oublierais jamais : « Ecoute le bruit du tonnerre, on dirait une musique. Et la pluie, ce sont des milliers de clochettes qui sonnent, poussées par les mains puissantes du vent. »

Alors, je me mis à écouter. Au début, je n'entendais rien d'autre que le chaos. Puis, je perçu le tintement des clochettes, le bruit des basses, les violons qui s'activaient, un vrai orchestre symphonique. Mais une vague s'écrasa brutalement sur la fenêtre et brisa l'enchantement. J'eu de nouveau peur, le bruit n'évoquait rien d'autre qu'un danger pour moi. La mer était très agitée, trop agitée. Ma mère avait dû partir aux toilettes ou se prendre un verre d'eau, je ne l'ai jamais su, mais tout ce qui comptait c'est qu'elle n'était plus là, et sans sa main dans la mienne, j'avais peur. Mais je continuais, malgré moi, à regarder la mer, sa façon de s'agiter, de rugir, de chanter à sa façon. Ma mère revint finalement et je glissai ma tête dans le creux de son cou, me blottissant contre elle, comme un chaton se blottirait contre le ventre chaud de sa mère. Elle me caressait les cheveux d'une main et traçait les traits de mon visage de l'autre. Elle me répéta que l'orage était une chanson, qu'il suffisait seulement de l'écouter. Mais j'avais trop peur d'entendre la musique qui m'effrayait tant. Alors elle m'emmena sur la terrasse du bateau, sous le préau. La pluie me fouetta le visage et le vent me fit pleurer. Maman me répéta d'écouter. Elle me disait : « écoute ce que la nature t'offre, c'est encore mieux que tous les CD que tu pourras écouter. La nature est de loin le meilleur son au monde. Ecoute Erin, écoute. » Alors à nouveau, je me suis mise à écouter. Les mains de fée de ma mère me tenaient tendrement mais fermement, elle avait sa tête posée sur la mienne. Et elle se mit à fredonner une chanson, qui s'accordait parfaitement avec l'orage. Encore une fois, l'orchestre se mit en marche. C'était un joueur de flûte, un violoniste, une femme qui jouait du tambourin, un homme qui jouait de la batterie. A un moment donné, je crus même entendre la voix de mon père s'accorder avec celle de ma mère. Alors je me mis à sourire. Je me disais que maman était une fée des bois, qui avait le don de faire chanter la pluie et de faire danser les nuages gris pour les rendre plus colorés. A cet instant, j'étais seule avec ma mère et profitait de l'instant tel qu'il l'était. J'étais plus qu'heureuse, j'étais comblée. Non je n'avais plus peur, j'étais sereine, protégée par la fée des bois, et je m'endormis, ainsi, bercée par la mer qui agitait le bateau, l'orage qui chantait si bien, et ma maman qui me protégeait avec ses mains de fée et qui me promettait que j'étais en sécurité.


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