Vampire La Mascarade: Rose de Sang

Prologue

Cette nuit encore, une énième fête avait lieu.

Les habitants de l'île de Lesbos en avait pris l'habitude, à la longue. Cela faisait des décennies que l'immense château se dressant fièrement depuis les hauteurs s'illuminait presque chaque soir pour laisser s'échapper de douces musiques, et accueillir des centaines de voitures toutes plus luxueuses les unes que les autres. Le plus étrange, c'est que tout cela durait jusqu'au petit matin mais que dans la journée régnait un silence de mort. Personne ne savait vraiment ce qu'il s'y passait. D'ailleurs, personne ne savait vraiment qui était la propriétaire des lieux, la fameuse Alexandra Kasistriotis. Elle ne s'était jamais montrée en ville et on voyait simplement quelques fois des sortes de majordomes superbement habillés réceptionner des immenses colis contenant mets de luxe, tableaux, sculptures, textiles raffinés, encre, papier, peinture, chevalets, instruments de musiques. Certains locaux s'étaient déjà rendus au château, bien évidemment. D'ailleurs, il s'agissait toujours de plus beaux jeunes gens que l'on pouvait trouver sur l'île. Ils étaient employés pour faire le service pendant certaines soirées. Et quand on leur demandait ce qu'ils avaient vu, ils racontaient simplement un luxe incomparable, des salons étincelants d'or et de belles couleurs, des tableaux et des sculptures à ne plus savoir où les mettre mais disposées d'une manière si élégante qu'elle n'encombraient jamais l'espace, ainsi que des invités tous plus chics et raffinés les uns que les autres. Cependant, ils n'avaient jamais pu rencontrer la maîtresse des lieux. Bien entendu, les plus folles rumeurs commencèrent à se répandre. Certains disaient qu'ils s'agissait d'une puissante mafieuse qui cherchait à fuir les autorités, d'autres une célébrité qui tenait à sa vie privée, une minorité disait même que c'était telle ou telle personne supposée morte mais qui aurait survécu et vivrait désormais sous une fausse identité.  Qui qu'elle soit, cette Mme Kasistriotis ne faisait pas de scandales, n'avait jamais fait venir des forces de l'ordre sur l'île et apportait du travail aux jeunes comme aux anciens. Les gens avaient donc fini par apprendre à vivre avec ce voisin pour le moins excentrique.  

Parmi l'impressionnante foule d'invités, Basil tente de se frayer comme il peut un chemin pour distribuer des canapés. Il n'est même pas 22 heures et il est déjà en nage dans son costume. Mais bon, le salaire en vaut la peine. Grâce à ça, il va pouvoir se payer ses études supérieures sur le continent. Tout ce qu'il a à faire, c'est éviter les regards de certains convives, des regards presque de prédateurs face à une proie. Il sait que certains de ses amis offrent "davantage de services" pendant ces soirées, mais pas lui. Hors de question. Arrivé près des cuisines pour regarnir son plateau, il tombe sur Alexandre, son responsable, qui l'interpelle: "Ah, Basil ! Tu tombes bien. J'ai besoin de quelqu'un pour apporter ça à un des salons VIP. C'est celui avec les tentures bleues, tu visualises ?" Basil fit oui de la tête. Il connait par cœur cette partie de la propriété, vue le nombre de fois qu'il y avait travaillé. Il prend donc un plateau contenant une bouteille de champagne, deux flûtes et quelques amuses-bouches puis commence à monter les marches de l'escalier pour atteindre l'étage. Comme toujours, le couloir est plongé dans le silence. Basil entend même le bruit de ses pas sur le parquet, une chose simplement impossible dans la salle de réception. Soudain, en passant à côté d'une porte, il entend des voix s'élever faiblement. Elles semblent prises dans une intense discussion. Basil ne devrait pas écouter aux portes. Il risque de perdre son travail et il ne peut pas se le permettre. Mais d'un autre côté, il n'y a personne et s'il est discret, personne ne saura jamais rien. La curiosité finit par triompher et le jeune homme colle son oreille contre le porte. Il entend des voix étouffées, des voix d'hommes, et ne parvient  à arracher qu'un morceau de la conversation: "... une nouvelle des plus préoccupantes."

- Mais est-on vraiment surs qu'elle soit véridique ? Inutile de nous affoler pour des théories fumeuses.

- Je la tiens d'Abigaël. Vous savez à quel point elle est proche d'elle.  

Basil ne comprend rien à ce dont ils parlent. Seraient-ils en train de parler d'Abigaël Volkat ? Il a quelques fois eu l'occasion de la voir. Elle ne vient aux réceptions que ponctuellement, mais sa beauté avait déjà fait son effet sur le cœur du jeune grec. Par contre, qui peut bien être cette autre personne ? 

- Mais pourquoi veut-elle faire une telle chose ? Sa situation avec le prince est déjà suffisamment délicate comme ça. Et voilà qu'elle fait entrer un nouveau pion dans la partie !

- Je le sais bien, mais que pouvons-nous faire ? 

- Hector, j'ai l'impression que vous ne mesurez pas l'étendue de cette nouvelle: elle va avoir un fils !

- Je la sais aussi bien que vous, il marque une pause, et sans doute davantage que la personne qui se tient derrière la porte. 

Merde ! Mais comment ? Basil a bien fait attention de faire le moins de bruit possible. Qu'importe, il doit filer le plus vite possible ! Mais avant qu'il ait pu faire le moindre mouvement, la porte s'ouvre, laissant apparaître un homme élégant en costume clair qui domine le jeune homme de toute sa hauteur. Il le regarde avec un sourire aux lèvres mais une lueur de colère dans le regard: "Votre mère ne vous a jamais appris qu'il n'est pas poli d'écouter aux portes ?"

- Laissez, Hector, je m'en charge, dit l'autre homme en s'approchant. 

Basil ne peut pas s'enfuir. le dénommé Hector, malgré une musculature peu voyante, a une force incroyable. Il le maintient par une clé de bras soigneusement effectuée, prêt à lui casser le bras. L'autre homme est désormais à moins d'un mètre de lui, laissant s'échapper un parfum incroyable. "Je suis désolé, monsieur, dit Basil presque les larmes aux yeux. Je suis vraiment désolé. Je ne le referais plus. Mais ne me dénoncez pas, je vous en supplie. J'ai besoin de ce travail". L'homme ne répondit pas, puis fit un grand sourire et dit d'une voix douce: "Voyons, ne vous inquiétez pas. Ce n'est pas grave. Nous n'allons pas mettre en danger vos études pour cette broutille. Mais bien évidemment, il va falloir que vous oubliez tout ce qu'il vient de se passer, d'accord ?" Basil ne répond pas. En même temps, qu'est ce qu'il pourrait répondre à ces deux parfaits inconnus ? Et puis, que fait-il là, d'abord ? Pourquoi n'est-il pas dans la salle de réception ? Il essaye de se concentrer, et une bribe de souvenir commence à resurgir: Alexandre ! "Excusez-moi, messieurs. C'est vous qui avez commandé du champagne ?"

- Il ne me semble pas, répondit l'homme placé derrière lui. Vous avez dû faire erreur. 

- Toutes mes excuses. Passez une bonne soirée, dit-il en fermant la porte derrière lui. 

Basil se met presque à courir dans le couloir, en faisant attention de ne rien renverser. Avec ses erreurs, il est sûrement en retard pour la commande. Et pourtant, il n'arrive pas  ce débarrasser de ce sentiment étrange, comme s'il avait oublié quelque chose d'important.