6 ~ Suite flashback et petit mot de fin par la même occasion

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- Tu t'es déjà demandé pourquoi je m'appelle Elena ? Ma question s'échappe seule de mes lèvres et commence à flotter dans l'air. Enfin... J'imagine que non... Je me relève pour m'asseoir alors que Castiel est toujours allongé par terre.

- Pourquoi, t'as un prénom au destin tragique qui est la cause de tous tes soucis ? demande-t-il à peine en levant sourcil.

- Non, j'avais une jumelle. Il tourne la tête vers moi avec une rapidité que je ne pensais pas possible et fronce les sourcils, m'incitant à continuer. Je m'appelle Elena, parce que j'ai eu une jumelle. Qui s'appelait Lena. Va pas chercher à savoir si c'est drôle ou pas, c'était un peu le délire des mes parents...

- Tu avais...? prononce-t-il à voix basse comme s'il avait peur que j'entende. Comme s'il avait peur de la réponse qui allait suivre.

- Ça fait deux ans qu'elle m'a laissée. Seule, au milieu du monde. Je crois qu'à ce moment-là, malgré son âge... Elle était beaucoup plus mature que moi. Elle en a été obligée, aussi... Je lance un regard fébrile vers Castiel qui m'écoute sans rien dire, et sans vraiment savoir quoi dire, attendant la suite. Elle était prête à partir... Alors que je n'imaginais pas une vie sans elle. La personne avec qui on a tout partagé durant treize années, sans jamais se séparer... Qui voudrait qu'on la lui arrache sous ses yeux ? Je sens les larmes déborder, couler le long de mes joues comme des chutes d'eau ; comme un fleuve qui ne pourrait contenir autant de tristesse. C'est comme si on avait déchiré mon cœur pour m'en prendre la moitié et ne jamais me la rendre. Je sens ma voix se briser, mes cordes vocales se tendre un peu trop comme celles d'une guitare qu'on aurait brusquée. 

J'ai l'impression que je me perds dans les souvenirs du passé. En fermant les yeux, je la vois. Elle me sourit comme une idiote. Elle me rappelle à quel point j'étais heureuse. Avant. Et puis elle brûle. Elle se consume. Juste sous mes yeux. Et je ne peux rien faire. Elle disparaît. Sans que je puisse la toucher. Elle ne m'entend pas. Elle ne me voit plus. Elle s'en va, sans moi. Elle me laisse, elle m'abandonne. Elle me tourne le dos. Elle ne sourit plus. Elle hurle. Je n'ai jamais rien pu faire.

- Fais une pause. Respire. On a tout notre temps tu sais, ici c'est comme un autre monde alors personne viendra pour te déranger. Castiel me sort de mes pensées, dans lesquelles je me suis égarée sans le vouloir, plongeant ses yeux acier dans les miens avec son habituel air détaché. Les scrutant comme s'il pouvait voir mon esprit à travers eux, comme s'il y lisait quelque chose que même moi j'ignorais. Et ajoutant "Puis je compte bien sécher les prochains cours" armé de son fatal sourire en coin.

Je l'écoute et prends un moment pour respirer, souffler, comme pour me préparer à une descente directe aux enfers.

Je me suis toujours demandé "pourquoi elle et pas moi", je m'en suis toujours voulu pour ça. Et elle s'en est toujours voulu aussi de devoir m'abandonner. D'être celle qui ne souffrira qu'un temps alors que l'autre compenserait pour son éternité. Pourtant on pouvait rien y faire. Donc ouais... C'est peut-être un destin tragique lié à mon prénom de jumelle pathétique. je constate avec ironie, laissant paraître un léger sourire idiot à cette pensée.

Je vois dans son regard qu'il veut plus. Il veut que je lui dise ce qu'il a sûrement deviné. Il veut que ça sorte, même si je dois le vomir ou le cracher. Il veut que je me libère de cette espèce de fardeau, qui m'étouffe et m'oppresse depuis bien trop longtemps.

- Une maladie, quoi. On a appris quand on avait douze ans, qu'il lui restait à peu près un an. Un an de culpabilité. Une culpabilité vide de sens puisqu'on était responsables de rien. Un an de terreur. Omniprésente jour et nuit tant dans les rêves que la réalité. Une peur de rester ensembles en sachant que le destin nous séparait. Un an où on pouvait plus se qualifier de "jumelles". Où nos différences avaient été creusées. Où on s'efforçait d'avoir l'air heureuse pour l'autre, paraissant chaque fois un peu plus fausses. Je sens mon cœur se serrer de plus en plus à chaque mot que je prononce. Mais en même temps je ne peux pas m'arrêter. C'est comme si ça avait été bloqué dans ma gorge pendant deux ans, dans l'attente de sortir enfin. Un an pendant lequel on ne se comprenait plus. Chaque jour elle affrontait la mort. Et moi chaque jour je la voyais un peu plus mourir. Pourquoi elle et pas moi. C'est tout ce que j'arrivais à me dire. Alors qu'elle faisait tous les efforts pour ne pas me laisser. Alors qu'elle grandissait si vite à côté de moi, qui m'enfermais dans le passé. 

Je m'arrête, respirant comme si j'étais arrivée à la fin du toboggan des enfers. Les yeux fixés vers le sol, scrutant en détail le béton, je me demande si je ne peux pas aller encore plus bas que ça. Si je ne peux pas m'enfoncer plus, briser ce sol, tomber d'un étage. Puis je me lève alors que Castiel est toujours par terre, semblant à la fois sérieux et détaché. Comme s'il essayait d'analyser la situation, mais qu'en même temps il en avait pas grand chose à faire. Comme s'il voulait tout comprendre, mais qu'en même temps ça lui était égal. Au fond il sait, il attend juste que je finisse de vider mon sac. Pour marquer une nouvelle pause dans mon espèce de monologue, il reprend sa guitare et se met à jouer quelques notes pendant que je m'approche du bord du toit. Et si je sautais, là, tout de suite ?

Après avoir fixé le sol quelques secondes de trop, je lève la tête vers le ciel. Il est toujours bleu, mais un peu plus fade. Le vent balaie mes cheveux dans tous les sens. J'entends Castiel poser sa guitare et s'approcher de moi. Puis une forte odeur envahit mes narines, bien trop familière. 

- Ça pue. dis-je en tournant légèrement la tête vers lui, me prenant un nuage de fumée. Il avait sorti une cigarette pour l'amener à ses lèvres. Pour lui faire subir le même sort qu'à la précédente. Ma mère fumait... Enfin, quand ma sœur a commencé à être malade, quoi... elle en est jamais sortie.

- Je suis pas ta mère. m'interrompt-il.

- Je sais. Elle est "partie" parce qu'elle en pouvait plus. Je venais d'avoir quatorze ans. C'est sorti tout seul. J'ai eu le temps de voir son visage se décomposer, avant de me retourner vers l'horizon, accoudée à la rambarde qui me sépare du vide. Bref, je vais pas entrer dans les détails... J'ai fini seule avec mon père. Il a toujours été là, et on a tout traversé ensemble. Je sais pas pour qui ça a été le plus dur. Perdre sa fille et sa femme, perdre sa sœur et sa mère. On a perdu deux tiers de nos vies ensemble. Mais bon maintenant j'ai plus aucun doute là-dessus...

- Le fameux message... il m'interrompt à nouveau.

- Le fameux message, ouais... Il a eu un accident de voiture, alors que je pensais qu'il pouvait rien m'arriver de pire. Ce jour-là je me suis demandé, s'il y avait une raison spéciale pour que les dieux s'acharnent sur moi ? Si j'avais fait quelque chose de mal, et que je me prenais un gentil retour de karma ? J'avais perdu la dernière chose qu'il me restait. Mon dernier tiers. Et tout ce que j'arrivais à me dire c'était... Pourquoi eux et pas moi. Pourquoi ils avaient le droit de partir, et moi je devais rester là. Seule. Encore plus seule à chaque fois. Je quitte l'horizon et m'adosse à la rambarde pour le fixer, lui. Voir sa réaction. Ce que ma voix provoque chez lui. Ça fait un moment que plus aucune larme ne coule. Comme si chaque mot m'avait enlevé une émotion. Comme si tout déballer m'avait blasé.

Il a l'air... atteint. Plus que tout à l'heure. On dirait qu'il n'ose pas me regarder. Il n'ose plus. Comme si me voir maintenant lui brûlait les yeux. Il fixe longuement sa guitare, pensif, puis écrase sa clope avant de la jeter. Et moi, je la regarde encore, tomber dans le vide. Envieuse.

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Bonjouur !

Bon bah ça fait 3 ans, on est bien, je sais pas qui verra ça, mais merci aux personnes qui suivaient l'histoire à l'époque 

J'avais déjà écrit le chapitre mais pas posté, parce que je me suis rendue compte qu'il était un peu sombre, surtout que j'avais pas vraiment écrit "elle est partie" olala. Je le fais maintenant histoire de clôturer vraiment la fic

Je songe à en faire une nouvelle, mieux, plus originale, réfléchie, mais ça prend un peu de temps, et ça fait un moment que j'écris plus. Donc si ça sort un jour, à la revoyure ^^



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⏰ Dernière mise à jour : Aug 22, 2023 ⏰

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[Castiel] On est juste amis. Je crois...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant