Chasseuse d'Âmes - Tome 1 - La Danse des Ombres

Chapitre 3

« Il est une légende qui dit qu'un jour,

les Âmes seront à jamais bannies de cet univers.

Seuls les sots croient aux légendes. »

Discours du directeur Dargos aux élèves de l'Académie des Gardiens

Aliénor mena son cheval dans les écuries de son auberge favorite. L'étalon regarda partir sa maîtresse avec de grands yeux fatigués, alors que celle-ci refermait la porte du box. Elle prit grand soin de cacher sa dague sous ses vêtements et laissa tomber ses longs cheveux sombres devant ses prunelles, afin que rien ne puisse la différencier des autres. Les Gardiens ignoraient que les Nés-Sans-Âmes avaient des yeux vairons, mais Aliénor préférait être prudente.

Quand elle entra dans l'auberge, aucun regard ne se posa sur elle. Le soleil venait de se lever, pourtant la salle était déjà comble. Le feu brûlait dans la cheminée et le crépitement des flammes était couvert par le bruit des conversations. Une délicieuse odeur de viande s'échappait des cuisines, ainsi qu'un fumet étrange qu'Aliénor identifia comme de la liqueur d'Ydrisse.

La jeune femme s'installa sur une chaise de bar à l'écart des autres et commanda à boire. Pendant qu'elle se rafraîchissait, elle repensa à la longue nuit qu'elle venait de passer.

Les Chasseurs étaient arrivés tard à leur nouveau quartier général, il leur avait fallu plus d'une heure pour s'installer. Dyclan s'était endormi sur un canapé devant le feu, après avoir englouti un pot de confiture de fraises avec du pain au miel. Aliénor avait remarqué le regard tendre et intéressé que Charleza portait au petit garçon, songeant que sa vraie place était parmi les Chasseurs. Elle avait passé la nuit entière à parler avec Charleza des nouvelles de la capitale. D'après ce que lui avait raconté la Chasseuse, l'influence néfaste des Âmes s'ancrait de plus en plus dans les cœurs, les Gardiens faisant régner la terreur parmi les plus faibles. Ils avaient d'ailleurs commencé à rechercher leur cachette, mais Charleza était confiante ; aucun Gardien n'infiltrerait leurs lignes. Les mensonges qu'on leur servait durant leur apprentissage les mèneraient sur de fausses pistes : ils cherchaient des êtres abominables, à l'apparence peu humaine et dépourvus de sens moral. Aucun Chasseur ne correspondait à cette description.

Aliénor était partie au petit matin, après un dernier regard plein de promesses sur Dyclan, qui sommeillait encore dans les bras de Charleza. Reprenant son cheval, elle avait erré un instant en ville, désespérant à l'idée de faire ce long voyage. Un Chasseur travaillait souvent en solitaire, mais la compagnie des siens lui était indispensable pour survivre. Aliénor était restée seule trop longtemps et même son cheval, Mistral, ne parvenait plus à égayer ses voyages. À la recherche d'un peu de compagnie, elle avait atterri à l'auberge des Âmes en peine.

Elle but une longue gorgée de son verre, se rappelant la première fois qu'elle était entrée ici. Elle revenait tout juste de sa première mission : un long voyage qui avait duré trois mois. Le nom de l'auberge lui avait tout de suite plu et, ne se sentant pas de supporter les remarques de Bragal, ni les protestations de Charleza, elle avait décidé de s'accorder une nuit de répit. Le patron, Wim, en remarquant son air fatigué, lui avait aussitôt fait préparer sa meilleure chambre et un excellent ragoût qu'elle n'était pas prête d'oublier. Pendant qu'elle mangeait, elle lui avait raconté son voyage. Afin de lui cacher le véritable but de celui-ci, elle s'était faite passer pour une itinérante. Wim l'avait écoutée avec un grand sourire et invitée à passer dans son auberge à chaque fois qu'elle reviendrait à Den'Jahal. Ainsi était née une amitié sincère.

– Alors, fillette, comment sont les nouvelles ? demanda-t-il en servant un autre verre à la jeune Chasseuse.

– Ni bonnes, ni mauvaises, comme d'habitude. Si ce n'est que je repars dans quelques heures pour le Grand Sud.