Chapitre 1

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Un vent frais s'annonce et tous les visages se couvrent petit à petit. Le ciel reste clair mais est emplit de nuages qui semblent être une couverture terrestre protégeant les villes des rayons solaires. Les rires de ces dames élégamment habillées se mêlent au bruit des sabots claquant sur le pavé dans les rues qui se vident rapidement à la tombée du jour.

Le chemin pour rentrer chez moi passe par un grand boulevard que le tramway sillonne imperturbable. Avalant et recrachant des passagers à intervalle régulier. À chaque passage de ce monstre de fer, je sens le sol trembler sous mes bottillons mais rien ne peut me sortir de mes pensées. Ni les bousculades de ces gentilshommes qui ne font pas attention à moi, ni les légères bourrasques de vent plus froides et mordantes les unes que les autres. Un défilé de crinolines et de chapeaux haut de forme se déroule devant moi dansant et déambulant comme un bal viennois où hommes et femmes se tiennent bras dessus bras dessous en souriant euphorique de ce moment.

En repensant à cela, une envie soudaine me vient d'écouter une valse sur mon phonographe et de me laisser porter au rythme des notes. Un sourire commence à se dessiner sur mes lèvres que je réprime en un instant pour ne pas être dévisagée par les passants. Serrant mon paquet plus fort entre mon bras et mes côtes, j'accélère le pas pour tenter d'arriver à destination avant l'heure du souper. La moindre minute de retard mettrait mère en colère et me vaudrait d'avoir des mots avec elle, ce que je ne souhaite absolument pas aujourd'hui.

Marchant d'un pas déterminé je baisse la tête et manque de peu de rentrer dans un réverbère. La surprise me fait lâcher la boîte qui tombe au sol et s'ouvre. Pendant que je me baisse pour ramasser mon achat et constater les dégâts, je prie en mon fort intérieur que rien ne soit abîmé. Je soulève délicatement le haut du carton, le cœur au bord des lèvres. Le tissu et la dentelle de couleur émeraude encore couvert de son papier de soie protecteur s'offre devant mes yeux.

Heureusement, aucune tâche ne vient salir cette robe superbe que je porterais ce soir. Je referme rapidement le couvercle pour ne pas tenter le diable et ravie que mon manque de concentration ne m'ai pas fait perdre une somme importante.

Au même instant, je sens une main qui vient se poser sur mon épaule.

Je sursaute en me retournant vers mon interlocuteur. C'est un homme assez grand et mince, qui a l'air distingué par son costume de ville impeccable et sa moustache parfaitement soignée. Il ne doit pas avoir plus de vingt-cinq ans selon mes premières impressions.

- Tout va bien, mademoiselle ? S'enquiert le jeune homme en me tendant sa main pour m'aider à me relever.

J'accepte son aide et le remercie, gênée de la situation.

- Je vais bien merci, heureusement je vois qu'il y a plus de peur que de mal lui expliqué-je en époussetant ma robe pour essayer de diminuer la tension qui commence à poindre.

Un lourd silence s'installe et je sens une boule dans le fond de ma gorge. Il faut absolument que je continue à avancer pour me sortir de là.

Je tourne les talons pour continuer mon chemin tout en remerciant encore une fois cet inconnu de sa gentillesse, mais il ne semble pas vouloir me laisser partir aussi facilement. Je baisse le regard et remarque qu'il me tient par le coude.

- Attendez, je vois que ce paquet vous encombre, puis-je me proposer de le porter et de vous raccompagner, me dit-il sans rougir de l'audace qui l'anime.

Contrairement à son calme Olympien, je sens mes joues se teindre d'une couleur pivoine par ses mots. Il est vrai qu'il ne semble pas dénué de charme mais si là est sa technique pour faire tomber les filles à ses pieds je ne me laisserai pas faire.

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