Le vent souffle comme en Automne, et soulève alors mon âme tel un tas de feuilles mortes en décomposition.
Avez-vous déjà ressenti cela ? Cette sensation de malaise, d'intense tristesse et de grande perdition lorsque tout se passe en fait pour le mieux... vous l'avez déjà vécu ? Je ne sais pas pourquoi mon coeur est pris d'un sentiment si étranger à ma nature, si sombre... suis-je vraiment qui je pense être ? J'ai froid. Il fait si froid et le vent ne cesse de souffler, emportant avec lui ma joie, mon bien-être et tous les sentiments les plus joyeux qui m'animent. Je tente de fuir désespérément cette ombre qui me pourchasse et qui balaye du revers de sa main fantomatique toutes les choses qui ont encore une chance de m'apporter du bonheur en ce monde. Alors je cours. Je fuis. Sans m'arrêter je traverse ce désert qui ne semble avoir de fin. Tout ce que je vois n'est qu'une succession de formes longilignes : une étendue de matière à l'agonie sur laquelle se dressent de gigantesques arbres droits comme des piquets dont les branches nues semblent me prendre en chasse. J'accélère et mon coeur bat de plus en plus fort. L'ombre n'est plus là mais je sens peser sur moi le poids morbide de sa présence comme si, bien que je l'ai semée, elle restait capable de me voir. Je continue alors de courir, perdant petit à petit tout espoir de fuite. Je vois entre les différents troncs, de loin comme de prés, d'autres ombres qui prennent la forme des fantômes de mon passé. Il fait de plus en plus froid et le vent, qui continue de souffler face à moi se transforme en un véritable blizzard. L'amas de feuilles mortes qui faisait office de sol ne laisse plus place qu'à une terre enneigée et les rayons du soleil qui avaient déjà des difficultés à se frayer un chemin entre les branches des arbres s'estompent petit à petit, ne laissant plus place qu'à un espace plongé dans le noir. Étrangement, je peux voir jusqu'à un mètre devant moi, comme si un halo de lumière, m'entourait : c'est le peu d'espoir qui subsiste malgré cette course frénétique vide de sens. Je ne cesse de courir jusqu'à ce que j'entende une voix qui m'est familière chuchoter « attention ». Je me retourne alors et, devant moi, rien n'est plus à même de s'étendre sous mes yeux... le halo de lumière a disparu me laissant alors dans l'obscurité la plus profonde. Je me retrouve dès lors figé, mais contre toute attente, je me sens bien ; comme si les rayons du soleil qui pourtant ne sont plus là baignaient mon corps d'une chaleur réconfortante. Il n'y a plus d'ombre pour m'inquiéter, je me laisse aller, je me laisse porter par des effluves estivales qui doucement me ramènent à la raison. Je quitte peu à peu ce monde silencieux dont je n'avais réussi à entendre que la furie du vent et cet avertissement mystérieux : « attention ». Tout ça ne voulait rien dire, mais si tout cela avait un sens, je ne serais pas sûr de vraiment vouloir le comprendre. Peu à peu, mon corps jusqu'à présent raidi se relâche. Je me sens comme écrasé par mon propre poids sur une matière textile qui semble suspendue dans les airs. Je sens mon corps qui se balance de façon légère, au gré du vent. Les muscles de mes doigts se contractes et bougent doucement tandis que le bruit de l'eau continue de me bercer, s'accompagnant alors du soleil et de cette odeur d'été. Au fur et à mesure que les secondes passent, je distingue d'autres sons. J'entends ce rire qui m'est si familier, j'entends des remous dont la sonorité si singulière me permet de reconnaître la personne qui en est à l'origine, j'entends le bruit d'une salade qui se fait remuer dans un saladier métallique et j'entends le bruits de couverts qui se posent sur une table ; je perçois cette scène de manière si fidèle que j'en suis presque capable de le voir sans même ouvrir les yeux. Alors, par curiosité, pour confirmer ce dont je suis déjà sûr, je les ouvre et suis dès lors à même d'apercevoir Adélaïde, le sourire aux lèvres, jetant un ballon sur son frère, qui lui-même se trouve dans la piscine. Petit à petit je me redresse et m'étire. Je peux maintenant voir la totalité du tableau – qui n'était jusqu'à lors qu'un schéma en mon esprit – depuis le hamac où j'étais allongé il y a encore quelques secondes. Alors je vois la mère d'Adélaïde remuer une salade grecque tandis que son père met le couvert.