Sous ces divers vêtements se cachent le corps d'une jeune fille. Lorsqu'elle ôte enfin capuche, lunettes et foulard, celle-ci peut respirer plus confortablement, tout en libérant une cascade de cheveux d'un blanc neigeux lui arrivant aux épaules. Sur sa peau, tout aussi blanche, se dessinent les arabesques de ses veines, teintées de noires. Signe de la maladie. Signe que les spores ont élu domicile en son sein, sans pour autant la tuer. Son regard croise son reflet dans une fenêtre couverte par la crasse des éléments et des spores, montrant une adolescente aux yeux dont les iris sont d'un bleu si pâle, qu'ils en sont presque blancs, décolorés par les spores tout comme sa peau. Les veines présentes sur son visage allant même jusque dans ses yeux, lui donnent l'allure d'une poupée de porcelaine dont la peinture s'écaille, d'une poupée délaissée, fissurée, brisée.
Néanmoins ce regard semblait en avoir vu plus que ne le laisse présumer l'apparence juvénile de la jeune fille. La haine des hommes vis-à-vis de la différence avait toujours été une tare et l'une des pires maladies de l'humanité et ce bien avant l'apparition des spores.
En détournant son regard de l'image reflétée, elle retire sa veste, qu'elle dépose sur un canapé en boule afin de lui servir d'oreiller. Ses yeux s'attardent quelques instants sur l'entaille se trouvant sur son avant-bras, souvenir d'une blessure datant d'une époque qui n'existe plus. A ce niveau, la peau, au lieu d'être blanche comme c'est le cas pour du tissu cicatriciel, est d'un noir d'ébène et des rayons parcourent son avant-bras jusqu'à son épaule et sa main, plus large que le tracé de ses veines. Cette peau infectée est, outre son aspect détonnant, moins souple et beaucoup plus résistante que sur le reste de son corps. Des tiraillements perpétuels lui remontent continuellement le long du bras, à la manière de fourmillements, mais la jeune femme a fini par s'habituer à cette sourde douleur. En outre, cela lui avait sauvé la vie plus d'une fois, en bloquant des attaques à l'arme blanche.
Poussant un soupir marquant tant la lassitude, la fatigue et la frustration, Alyna s'installe aussi confortablement que possible sur le canapé défoncé.
Un bruit réveille Alyna dans un sursaut, chassant immédiatement les brumes du sommeil. Un piège a été déclenché plusieurs étages plus bas et dans le silence absolu dans lequel la ville règne, le moindre bruit semble se répercuter sur les murs, amplifié par l'absence de vie.
Rapidement sur ses pieds, la jeune femme enfile ses vêtements, prêtant une attention toute particulière à masquer son visage derrière son foulard, sa capuche et ses lunettes d'aviateur. Les personnes comme elle atteintes de maladie sont rares et souvent, bien trop souvent, tués sans sommation de peur d'une éventuelle contagion et propagation de la maladie. Quels abrutis... À sa connaissance, la jeune fille est la seule à avoir échappé à l'infection mortelle de la Spora obsidia, bien que n'ayant jamais vu personne d'autre de semblable à elle.
Son sac sur l'épaule, Alyna se dirige à pas léger vers la porte de l'appartement dans lequel elle s'est réfugiée et l'ouvre dans le plus grand silence. Tendant l'oreille vers la cage d'escaliers, un bruit étouffé de pas lui indique la présence d'individus.
Ils n'ont déclenché que le premier piège. J'ai encore quelques minutes...
L'immeuble possède plusieurs escaliers, un ascenseur et des sorties de secours, ces dernières pouvant être parfois obstruées par du mycélium épais, développement rare mais dense des spores sur les parois et les sols. Alyna prend néanmoins cette direction. Dans la pénombre, les rares rais de lumière parviennent via les fenêtres et les interstices des portes entrebaillées. Cette faible luminosité ne gêne en rien Alyna : ses yeux clairs lui permettent d'accommoder facilement dans l'obscurité. Se déplaçant dans le silence le plus total, elle ne remue sur son passage que les grains de poussières et les spores présentes dans l'air. Arrivée devant la porte menant sur l'extérieur, celle-ci résiste quelques instants avant de céder sous le poids et la force d'Alyna. La lumière crue de l'extérieur éblouie quelques secondes la jeune fille, ses lunettes teintées permettant de limiter un peu la douleur des rayons. La cage d'escaliers accrochée à l'immeuble s'arrête deux étages avant d'atteindre le sol. Avant de se mouvoir dans le jour bien avancé, Alyna prend le temps d'observer les ruelles et les toits des bâtiments. Les rues sont désertes, jonchées de déchets de bien avant le développement des spores et de leurs mycéliums, les bennes ouvrant leurs gueules béantes comme dans l'atteinte d'un quelconque élément à se mettre sous la dent.
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Spora obsidia (en stand by)
Science FictionDepuis une dizaine d'années, le monde est dévasté suite à l'apparition d'un étrange pathogène. Ces spores transforment les gens qui en inhalent en trop grosse quantité, en statue d'obsidienne, après avoir horriblement souffert. Dans ce monde où l'hu...