Étincelant !

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Levi était presque invisible dans la foule. Il s'agrippait à la veste d'Erwin, fermement, et si sérieusement que ses phalanges en étaient blanchies. Sur ses mains rouges de froid, ça ressemblait plus à une mauvaise varicelle qu'à autre chose. Il replaça son écharpe autour de son cou en jetant un œil aux alentours. À sa droite, un gosse hurlait à la mort en tapant des pieds au sol. Sa mère n'osait même pas le regarder. Pourtant, toute la file d'attente semblait captivée par les horribles râles qui sortaient de la gorge du mioche. Personne ne semblait honteux de juger en silence les méthodes éducatives de la mère que Levi qualifia tout de même d'assez drastiques. Mince, lui aussi critiquait. Il se rassura en secouant la tête et en se répétant qu'il avait été influencé par la foule.
Devant, une centaine de personnes, passant une à une un tourniquet étroit. Il fallait scanner son entrée, simple comme bonjour. Grande surprise lorsque Levi remarqua qu'un bon nombre de visiteurs ne comprenait pas le système. Il était sincèrement gêné pour eux parce qu'ils étaient mis sous pression par les clients sur parc qui s'impatientaient derrière eux. Il n'était pas rare d'ouïr quelques soupirs bien déplacés et des claquements de langues malgré le volume des chansons qui accompagnaient la file.

-Erwin, putain, je sens plus mes jambes. On entre quand ?

-Un peu de patience petit cœur.

Levi soupira, assez fortement que pour faire voler les cheveux du type qui était planté devant lui.

-Je dois pisser, j'ai faim.

-Oui, oui, pauvre malheureux, souffla Erwin pour se moquer.

Les yeux levés vers le ciel gris, Levi grimaça affreusement. Ça faisait exactement quarante minutes qu'ils poireautaient. Tout ça pour le contrôle des sacs. En fond, une horrible musique jouait. Horrible, oui, mais cruellement entraînante. Levi avait presque envie de la chantonner. Mais il s'obligea à se restreindre. Hors de question de donner espoir à Erwin en lui faisant imaginer qu'il se plaisait ici.

Les grilles du parc n'étaient plus très loin. Elles étaient vertes, immenses, luisantes. Elles semblaient garder un manoir luxueux qui lui-même serait protégé par des majordomes et des chiens-loups à la gueule remplie de bave moussante. Levi pouvait presque s'imaginer entendre les aboiements tandis que les enfants se hâteraient de dépasser la bâtisse.
Pourtant, les grilles ne gardaient nullement un manoir. Au contraire, elles s'ouvraient sur une immense fontaine à eau qui parlait, elle-même donnant sur un château rose pâle peu attrayant. On le voyait au loin. Putain d'américains.

-Tu vois, c'était pas si long, se vanta Erwin. Il avait prit une mine fière, un sourcil levé et un sourire en coin ravageur. Il ressemblait à Ken. C'était frustrant , puisque Levi était loin de ressembler à Barbie. Une Barbie moderne, passe encore... Écrasant tous les stéréotypes mysogines et réducteurs. Il était la Barbie sombre, petite, bornée et agaçante. Loin d'être une bimbo aux cheveux blonds soyeux, Levi était plutôt un petit rat dont on rêvait de se débarrasser. Sauf qu'Erwin l'avait gardé et qu'il semblait vraiment l'adorer. Bizarre.

Le contrôle enfin passé, ils purent enfin marcher sur le sol sacré, le Saint Graal - paroles d'Erwin -, la terre bénie : Disneyland Paris. Levi eut envie de léviter pour que ses semelles n'effleurent même pas le béton.

-Tu vas voir, c'est génial. Les musiques, les couleurs, les parades.

-Ça m'a l'air bien barbant, mais passons, répondit Levi. Je te suis, maître des lieux.

C'était un euphémisme. Erwin connaissait le parc comme sa poche. Même pas besoin d'empoigner un plan à l'entrée.
Levi savait que la journée ne faisait que commencer. Qu'il y avait deux parcs à visiter. Que demain, il devrait recommencer à feindre. Tout ça pour le bonheur d'Erwin.

A fairy day [OS] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant