Chapitre 1

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 Presque huit ans s'étaient écoulés depuis que le dieu de la mort Ouros avait disparu et laissé sa place à un autre. Cette nouvelle avait fait autant le tour du monde des mortels que celui des dieux. Pour le plan démoniaque cependant, cette nouvelle avait sonné comme une aubaine, le signe d'un renouveau pour tous les démons qui habitaient ces terres désolées.

Le dieu de la mort était la seule divinité à habiter ce monde et surveillait depuis son palais les âmes des damnés, ces mortels qui, de par leurs actes de leurs vivants s'étaient vu refuser l'élévation. Depuis des temps immémoriaux, les démons avaient craints le dieu de la mort. Chaque tentative d'assaut contre sa demeure s'était soldée par une défaite cuisante. Cependant, cet être surpuissant n'était plus et son successeur n'était certainement pas aussi fort que lui.

L'opportunité leur avait semblé bien trop belle et les démons pensaient que le palais du dieu de la mort pouvait être facilement prenable sans cet obstacle. Jamais ils ne s'étaient autant trompés. Le nouveau résident était bien connu sur ce plan, une véritable légende qui faisait trembler les plus grands. Shed. Un démon solitaire qui s'était amusé tout au long de sa vie à massacrer ses congénères pour le plaisir. À lui seul, il avait exterminé un quart de la population de ce monde et rendu chaque endroit où il avait commis ces massacres totalement inhabitable, même pour des démons.

Cet être perfide avait cependant changé radicalement et s'était rangé du côté des dieux pour en devenir un à son tour. Personne ne savait pourquoi ce revirement était arrivé, mais le résultat était là. Aucun démon n'avait réussi à franchir le mur d'enceinte du palais. Dépités, ils s'étaient alors résignés à rester sur ces terres inhospitalières, incapables de faire face à une aussi grande puissance.

Pour Mélandrie, tout ceci n'était qu'une vague histoire lointaine que racontaient les démons de passage dans son petit village. Au pied de la montagne du dormeur, seul relief perdu dans un désert de terre rouge qui s'étendait sur des centaines de lieues, elle se trouvait littéralement à l'autre bout du plan démoniaque par rapport au palais du dieu de la mort.

Si sa vie n'était pas trépidante, au moins ici, elle se sentait à peu près en sécurité et ne craignait pas d'être confondue avec une damnée. Certains d'entre eux ne supportaient pas la dure vie dans la ville des non méritants et tentaient leur chance à l'extérieur. Malheureusement pour eux, seul une mort définitive ou l'esclavage les attendaient à l'extérieur.

Voilà quel était sa malédiction. Mélandrie, malgré ses origines démoniaques, ressemblait parfaitement à une humaine. Ses seules caractéristiques physiques qui la démarquaient de ces mortels étaient ses longs cheveux d'un blanc inhabituel pour son âge et des yeux aux pupilles violette.

En somme, un trophée de choix pour enrichir les harems des seigneurs démons, avait-elle souvent pensé. Heureusement, ici, tous les habitants la connaissaient et personne ne cherchait à lui faire de mal.

C'est donc avec une certaine insouciance que Mélandrie arpentait les rues de son village. Dans la rue principale, certains démons assis à une table de fortune la dévisageaient et la regardaient passer avec un drôle d'air. Ceux-ci ne faisaient pas parti des habitants et devaient être des voyageurs.

Sa mère lui répétait sans cesse de faire bien attention avec eux, qu'ils n'étaient pas comme ceux qu'elle connaissait et qu'elle devait surveiller derrière elle si jamais l'un d'eux venait à la suivre. Après une cinquantaine de mètres, la jeune démone jeta un rapide regard en arrière et s'aperçut qu'ils étaient retournés à leurs boissons. Elle n'aurait pas de problème aujourd'hui.

Après quelques minutes supplémentaires, Mélandrie arriva enfin à l'endroit où elle voulait se rendre. Posté au bout de la rue principale, un démon à la peau verte se tenait derrière un stand fait de bois et dont on se demandait comment un tel assemblage improbable pouvait tenir debout. Le démon qui le tenait faisait la largeur de son commerce et avait la tête rentrée dans les épaules. Même s'il faisait deux mètres, ça n'était pas bien grand pour un membre de son espèce.

Mélandrie tome 1: Le DormeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant